27.01.10 - TPIR/KAREMERA - L'AFFAIRE MRND, PROCES TYPE DE « L'ENTREPRISE CRIMINELLE COMMUNE »

Arusha, 27 janvier 2010 (FH) - Dans l'affaire MRND, plus que dans toute autre, terminée ou en cours au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le procureur cherche à prouver qu'il y a eu "entente en vue de commettre le génocide" entre les ex-dirigeants du parti en leur imputant deux types de responsabilité : « l'entreprise criminelle commune » et la «responsabilité de supérieur hiérarchique ».

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Ouvert en septembre 2005, ce procès qui avance clopin-clopant implique trois dirigeants du parti présidentiel au pouvoir en 1994, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) : Mathieu Ngirumpatse, président du parti, Edouard Karemera, vice président et Joseph Nzirorera, secrétaire général.

« Mise sur pied avant janvier 1994, l'entreprise criminelle commune en question a duré jusqu'en juillet 1994 au moins », écrit le procureur au début de son acte d'accusation de 29 pages.

Les personnes citées comme parties à ce projet viennent de toutes les régions du pays, de toutes les sphères et de toutes les professions. Des militaires comme le colonel Théoneste Bagosora, condamné à la perpétuité en décembre 2008, des politiques tels le Premier ministre Jean Kambanda, également condamné à la prison à vie, des membres influents de l'entourage de l'ex-famille présidentielle, comme Protais Zigiranyirazo, acquitté par la chambre d'appel en novembre 2009.

D'éminents universitaires comme l'historien Ferdinand Nahimana, qui purge 30 ans de prison ou de grosses fortunes comme l'homme d'affaires Félicien Kabuga, toujours recherché par le TPIR,  sont également cités en bonne place. Sans oublier, bien - sûr, les fameux miliciens Interahamwe, dont certains, tel que Yussuf Munyakazi, doyen des détenus du TPIR, savaient à peine écrire leur nom.

Pour le procureur, ce projet génocidaire a tellement mobilisé d'hommes et de femmes qu'il « n'est pas en mesure de préciser l'identité de chacun » d'entre eux.

Il affirme que lorsque la machine à tuer s'est mise à l'œuvre à travers tout le pays, les trois responsables du MNRD ne se sont pas montrés seulement indifférents. « Les crimes étaient si généralisés et se commettaient si ouvertement que chacun des accusés a dû ou aurait dû en être informé », souligne l'acte d'accusation. Au lieu de prévenir les exactions, les arrêter ou en punir les coupables, poursuit le texte, « ils se sont employés à les dissimuler » ou purement et simplement à les encourager, se rendant ainsi coupables de crimes de génocide et de crimes contre l'humanité, dont des viols.

S'agissant tout particulièrement de ce dernier chef d'accusation, le procureur soutient que «des Interahamwe et d'autres miliciens ont violé des femmes et des filles tutsies dans la préfecture de Ruhengeri (nord), au cours la première moitié d'avril 1994, dans la préfecture Kigali-Ville en avril 1994, dans la préfecture de Butare (sud) pendant la seconde moitié d'avril 1994, dans la préfecture de Kibuye (ouest) en mai et juin 1994 et dans la préfecture de Gitarama (centre) en avril et mai 1994 ».

Et de conclure : les accusés, qui selon lui, exerçaient une autorité sur les violeurs, n'ont rien fait car ce crime s'inscrivait dans le cadre de l'entreprise criminelle commune.

«Récits arrangés, carrément fabriqués dans le seul but de nuire », rétorquait, le 10 octobre dernier, l'un des défenseurs de Nzirorera, le Congolais Nimi Mayidika Ngimbi, dans une déclaration prononcée en guise d'introduction au défilé de ses témoins.

Pour Me Ngimbi, la partie adverse n'a pas prouvé « l'existence d'un lien de subordination entre Joseph Nzirorera et les tueurs », un argument partagé par les avocats des deux autres accusés. Reconnaissant que des membres du MRND ont commis des exactions, il a souligné qu' « il ne s'agissait pas de crimes planifiés ou commandités par des responsables politiques ».

La chambre espère pouvoir départager le procureur et les accusés dans le courant de l'année prochaine.

ER/GF

© Agence Hirondelle