Des membres de la minorité musulmane rohingya de Birmanie ont témoigné pour la première fois en personne mercredi à Buenos Aires, dans le cadre d'une enquête de la justice argentine sur les crimes présumés de l'armée birmane, a-t-on appris auprès d'une organisation rohingya.
L'audience, à huis clos, est "un jour historique pour tout le monde en Birmanie. Des audiences en personne ont enfin lieu, et des indices forts sont produits dans un tribunal", a déclaré a l'AFP Maung Tun Khin, président de l'Organisation des Rohingyas birmans du Royaume-Uni (BROUK), établie à Londres.
Le porte-parole n'a pas précisé l'identité, ni le nombre de "témoins" entendus, ni les faits concernés, "pour raisons de sécurité", lors des audiences qui devraient se poursuivre sur plusieurs jours.
En 2021, la justice argentine, saisie d'une plainte, avait annoncé l'ouverture d'une enquête sur des accusations de crimes par des militaires birmans sur la minorité rohingya, en vertu du principe de "justice universelle", consacré dans la Constitution argentine.
Cette même année, six femmes rohingyas birmanes, réfugiées au Bangladesh, avaient participé à une audience virtuelle devant la cour argentine, évoquant des agressions sexuelles et la mort de proches du fait de la répression.
La procédure, "au stade de l'enquête", porte sur des faits "tels que meurtres, tueries de masse, viols et violence de genre", contribuant à une atmosphère d'audience "grave et éprouvante", a souligné auprès de l'AFP une source proche de la procédure. "La cour prend les témoignages avec sérieux".
"Les audiences en personne vont se poursuivre, des éléments très importants sont portés au dossier", a déclaré M. Tun Khin, sans préciser de durée ni de prochaine étape procédurale.
La justice argentine a par le passé déjà accepté d'examiner des dossiers lointains en vertu du principe de compétence universelle, notamment des crimes commis sous le régime franquiste en Espagne. Ce principe permet de poursuivre les auteurs présumés des crimes les plus graves quels que soient leur nationalité et l'endroit où les faits ont été commis.
Environ 750.000 membres de la communauté rohingya ont fui au Bangladesh en 2017 la répression de l'armée birmane, qui fait l'objet de procédures distinctes, devant la Cour pénale internationale (CPI), et pour "actes de génocide" devant la Cour internationale de justice (CIJ).
Parmi ces procédures, "celle en Argentine est importante en ce qu'elle constitue une autre voie pour de potentiels mandats d'arrêt pour du commandement haut ou intermédiaire dans l'armée birmane", contribuant à réduire "la brèche d'impunité" pour les responsables, a estimé une source du camp des plaignants.