Un tel enseignement est déjà dispensé à l'université, mais pour le primaire et le secondaire, les spécialistes discutent encore des approches, des outils et du contenu. « Le problème est de savoir comment nous nous y prenons. Avons-nous des spécialistes, avons-nous suffisamment de matériel didactique, sommes-nous guéris des conséquences du génocide ? », s'interroge Paul Rutayisire, professeur d'Histoire à l'Université nationale du Rwanda (UNR).
Pour lui, le génocide des Tutsis en 1994 reste partiellement incompréhensible. Il s'explique : « Vous ne pouvez pas comprendre comment votre voisin peut devenir subitement votre tueur ».
De son point de vue, « toute l'information en rapport avec le génocide ne peut pas être montrée à la jeune génération ». La complexité et le caractère sensible du sujet exigent une démarche multidisciplinaire qui n'implique pas le seul historien. «J'aurais besoin de l'aide de pédagogues, de psychologues et de sociologues qui savent comment aborder un sujet aussi complexe. Moi seul, en tant qu'historien, je peux blesser. Mais avec ces collègues, nous pouvons atteindre les objectifs », dit-il.
A priori, « la méthode participative » qui incite les élèves à parler du génocide, pourrait mieux faire comprendre ce qui s'est passé, pense-t-il. « Si vous en parlez, vous vous sentez soulagé et le processus de guérison (du trauma) peut commencer ».
Les idéologies négatives du genre « tous les Hutus sont des tueurs » ou « tous les Tutsis sont des rescapés » que l'on retrouve sur certains sites internet doivent être combattues, poursuit-il.
Mais combien de temps attendra le Rwanda pour enseigner l'histoire et le déroulement du génocide dans ses écoles primaires et secondaires ?
« Nous n'avons pas de réponses toutes faites à de tels problèmes. Ca prendra du temps », préviens le professeur Rutayisire.
Même avis de la part d'Augustin Ngabirame, secrétaire général académique de l'Institut supérieur de l'enseignement pédagogique de Kigali (KIE). « Nous avons besoin d'harmoniser nos idées avant de décider ce que nous devons enseigner à nos enfants. Nous avons besoin d'un consensus ».
« Enseigner l'histoire du génocide maintenant sans d'abord enseigner correctement notre histoire est mauvais. Nous devons enseigner à nos enfants nos valeurs, ce que nous acceptons et ce que nous rejetons en tant que Rwandais», conclut-il.
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