La perpétuité pour Bai Lowe

La justice allemande a condamné, le 30 novembre, à la prison à perpétuité le Gambien Bai Lowe, un ancien membre des « Junglers », les nervis de l’ancien régime du président Yahya Jammeh. Lowe, un ancien chauffeur qui s’était auto-incriminé dans un retentissant entretien dans la presse avant de se rétracter au procès, a été reconnu coupable de crimes contre l'humanité.

En conclusion de son procès en Allemagne, le gambien Bai Lowe a été reconnu coupable de crimes contre l'humanité commis en Gambie.
Aucune surprise dans le procès du Gambien Bai Lowe (dissimulant ici son visage derrière une feuille verte), en Allemagne : reconnu coupable de crimes contre l'humanité, il a écopé de la peine maximale. © Ronny Hartmann / Pool / AFP
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La justice allemande a condamné jeudi à la prison à perpétuité un Gambien membre d'un escadron de la mort, reconnu coupable notamment de crime contre l'humanité, à l'issue du premier procès dans le pays pour des exactions commises sous le régime du président Yahya Jammeh.

Présenté par les médias comme Bai Lowe mais seulement identifié comme Bai L. par la justice allemande, l'homme de 48 ans a été condamné pour crime contre l'humanité, meurtre et tentative de meurtre dans trois cas au total par le tribunal de Celle (nord), qui a ainsi suivi la réquisition du parquet.

Concrètement, il a été reconnu coupable d'avoir participé à des assassinats dans son pays entre 2003 et 2006, dont celui du correspondant de l'AFP Deyda Hydara, abattu par balles le 16 décembre 2004.

L'homme était un chauffeur des "Junglers", escadron de la mort gambien créé par le pouvoir en place au milieu des années 1990 afin d'intimider ou d'éliminer toute forme d'opposition.

S'exprimant via son avocat lors d'une audience en octobre 2022, il avait nié toute participation à ces actes. La défense avait plaidé son acquittement.

Compétence universelle

Réfugié en Allemagne depuis 2012, Bai Lowe a été interpellé à Hanovre en mars 2021.

Son procès a été possible car l'Allemagne se reconnaît une compétence universelle pour certains crimes graves en vertu du droit international. Cela lui permet de juger sur son sol des suspects indépendamment de leur nationalité ou du lieu où les crimes présumés ont été commis.

Le pays a déjà condamné notamment des Syriens pour des atrocités commises pendant la guerre civile dans le pays.

Concrètement, le Gambien était accusé d'être impliqué dans une tentative de meurtre d'Ousman Sillah, un avocat, le meurtre de Deyda Hydara, une tentative de meurtre d'Ida Jagne et de Nian Sarang Jobe, qui travaillaient pour le journal co-fondé par Hydara, et le meurtre d'un ancien soldat gambien, Dawda Nyassi.

L'intéressé a lui affirmé s'être accusé d'actes qu'il n'aurait pas commis, notamment lors d'interviews, dans l'intention de montrer à ses concitoyens la cruauté du régime de Yahya Jammeh (1994-2017).

Une ligne de défense jugée peu crédible par les parties civiles. Baba Hydara, fils de Deyda Hydara, s'est dit "déçu, insulté et trahi par la déclaration de Bai Lowe qui trahit le bon sens".

"Le long bras de la justice"

L'accusé n'est certes "pas l'auteur principal, mais les crimes n'auraient pas pu être commis sans lui", souligne Patrick Kroker, l'avocat de Baba Hydara.

Pour les proches des victimes et les ONG, le jugement de Celle doit avoir valeur de mise en garde pour les auteurs de crimes sous la dictature.

"Le long bras de la justice a rattrapé Bai Lowe en Allemagne, comme il rattrape déjà des hommes de main de Yahya Jammeh partout dans le monde et rattrapera aussi je l'espère Jammeh lui-même", a déclaré dans un courriel à l'AFP Reed Brody, un avocat de la Commission internationale de juristes qui travaille avec les victimes.

Parmi les autres procédures en cours hors Gambie figure celle de Ousman Sonko, ex-ministre de l'Intérieur, qui est poursuivi en Suisse depuis 2017 pour crimes contre l'humanité.

Un autre collaborateur de M. Jammeh, Michael Sang Correa, devrait être jugé aux Etats-Unis.

Alors que l'ancien président vit en exil en Guinée équatoriale, pays avec qui la Gambie n'a aucun accord d'extradition, le gouvernement gambien a lui aussi commencé à faire son travail sur les quelque 22 ans de dictature.

Il a annoncé en février oeuvrer avec l'organisation des Etats ouest-africains à la mise sur pied d'un tribunal chargé de juger les crimes commis sous l'ancien dictateur.

Il s'agit d'un des gros dossiers sur le bureau d'Adama Barrow, qui a succédé à M. Jammeh à la tête du plus petit pays d'Afrique continentale à la faveur d'une victoire surprise à la présidentielle de 2016.

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