03.02.11 - TSSL/TAYLOR - REQUISITOIRE CONTRE CHARLES TAYLOR LA SEMAINE PROCHAINE

La Haye, le 3 février 2011 (FH) - Le procès intenté contre Charles Taylor devant le Tribunal spécial pour la Sierra Léone (TSSL) doit prendre fin la semaine prochaine, avec le réquisitoire du procureur et les plaidoiries de la défense, les 8 et 9 février. L'ancien président du Libéria doit répondre de onze chefs d'accusations pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis en Sierra Léone entre 1996 et 2002. Selon le procureur, Charles Taylor a soutenu les miliciens du Front révolutionnaire uni (RUF) pour pouvoir s'emparer des richesses diamantifères de la Sierra Léone. Le chef de guerre fournissait armes, munitions, et moyens de communications aux rebelles, contre des diamants, selon l'accusation.

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Au cours des trois années de procès, le procureur a appelé 94 témoins à la barre, dont 31 « insiders », des proches de Charles Taylor qui se sont retournés contre lui. La défense avait promis d'appeler 249 témoins, mais seuls 20 d'entre eux ont comparu.

Charles Taylor n'a pas nié pas les horreurs de la guerre de Sierra Léone. Mais a rejeté toute responsabilité et nié en bloc toute participation dans le trafic de diamants. « Je ne suis pas le crétin auquel on apportait des diamants dans des pots de mayonnaise », avait-il lancé aux trois juges. Vingt-cinq témoins ont déposé sur ces échanges, mais les individus directement « impliqués dans la remise des diamants à Charles Taylor sont morts », affirme le procureur. Et les deux alliés clés de Charles Taylor, Ibrahim Bah, « le financier », soupçonné de liens avec la mouvance Al-Qaïda et son bras droit, Benjamin Yeaten, n'ont pas témoigné et n'ont jamais été inculpés. Le procureur a aussi déposé de nombreuses pièces sur le trafic d'armes, dans lequel était notamment impliqué le trafiquant notoire, Viktor Bout, qui avait inspiré le film « Lord of War ». Dix ans de guerre, plus de 150 000 morts, des dizaines de milliers de personnes amputées : un sombre bilan qui ne plait guère à celui qui se rêve en héros de la révolution panafricaine. « Une révolution manquée », pour l'un des experts du procureur. Charles Taylor l'a raconté par le menu, au cours de ses sept mois de témoignage.

Cette « révolution » commence au milieu des années 1980. Après son évasion d'une prison de Porsmouth, aux Etats-Unis, avec la complicité du FBI, a-t-il raconté, il avait rejoint les camps d'entraînement de Mouammar Kadhafi en Libye. Avec le soutien de son voisin burkinabè, Blaise Compaoré, Charles Taylor s'est emparé du Libéria avant d'exporter sa guerre en Sierra Léone. Pour son avocat, maître Courtenay Griffiths, un Britannique né à la Jamaïque, « si Charles Taylor s'est impliqué en Sierra Léone, c'est pour la paix ».

Premier chef d'Etat jugé devant un tribunal international - Slobodan Milosevic est décédé à quelques mois du jugement - Charles Taylor a été trahi. Par ses anciens associés qui ont défilé à la barre. Par ses homologues africains, aussi. L'ancien président du Libéria avait été mis en accusation en 2003, alors qu'il se rendait au Ghana pour des négociations de paix. Olusegun Obasanjo, alors président du Nigeria, lui avait alors offert un exil confortable à Calabar. Mais le 29 mars 2006, Charles Taylor était arrêté alors qu'il s'apprêtait à franchir la frontière, pour entrer au Tchad. Depuis, une question taraude l'accusé. « Pourquoi [M. Obasanjo] a-t-il menti ? En tant qu'ami et frère, je pense qu'il doit dire la vérité ». Mais Charles Taylor ne l'a pas invité à la barre du tribunal. Selon plusieurs sources, sa déposition aurait pu desservir l'accusé.

Arrêté, Charles Taylor est alors transféré aux Pays-Bas. Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Libéria, ne voulait pas du chef de guerre dans la région, même derrière les barreaux. Le gouvernement néerlandais a accepté à une condition. Qu'il purge sa peine dans un autre Etat. Le Royaume Uni s'est porté candidat.

Créé en 2002, au terme d'un accord entre le gouvernement sierra-léonais et les Nations unies, le tribunal spécial pour la Sierra Léone a jugé huit responsables de la guerre. Un accusé est décédé au cours de son procès, l'ancien chef du RUF, Foday Sankoh, est mort dans sa cellule avant le début de son procès, et deux autres accusés sont morts avant leur arrestation.

SM/ER

© Agence Hirondelle