Travailler "avec tout le monde" y compris l'extrême droite de Marine Le Pen : le président français Emmanuel Macron et son nouveau chef de gouvernement Gabriel Attal donnent des signes d'élargissement de "l'arc républicain" aux extrêmes, à l'instar d'autres pays européens comme l'Italie.
En déplacement vendredi à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, Emmanuel Macron a jugé "tout à fait normal" d'avoir des discussions avec le parti de Marine Le Pen.
Loin de la notion d'"arc républicain", utilisée par le camp présidentiel depuis son premier quinquennat pour disqualifier les extrêmes (de droite comme de gauche) face aux partis de gouvernement que sont les formations de gauche et de droite classiques.
"On ne va pas considérer que telle ou telle formation politique aurait moins de droits parlementaires, moins de reconnaissance", a plaidé le chef de l'État, alors que les derniers sondages donnent Marine Le Pen - battue en 2017 et 2022 par Emmanuel Macron - en tête des intentions de vote pour le premier tour de la présidentielle en 2027.
Comme d'autres pays d'Europe comme la Hongrie ou la Finlande outre l'Italie, la France connaît un renforcement et une banalisation de l'extrême droite, dont Marine Le Pen consolide la position, alors qu'Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter au prochain scrutin.
Tout en se disant "radicalement opposé" au Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, le nouveau Premier ministre français dit désormais, comme le président, assumer de parler avec toutes les forces représentées à l'Assemblée nationale.
Pour Gabriel Attal, "l'arc républicain, c'est l'hémicycle" de l'Assemblée, où siègent 88 élus du RN sur 577 députés, marquant une rupture avec sa prédécesseure Elisabeth Borne, qui en excluait "les extrêmes".
Derrière ces partis, il y a "des millions de Français qui ont voté", a-t-il justifié jeudi sur la chaîne publique France 2.
- "Moins sectaire" -
"L'idée d'Attal comme de Macron c'est qu'en reprenant une partie des thèses du RN, ils vont siphonner une partie de son électorat et le faire revenir à eux", note un haut responsable socialiste, qui regrette : "Il n'y a plus de tabou".
Le président Macron et sa précédente Première ministre, Elisabeth Borne, n'étaient pas d'accord sur la ligne à tenir face à l'extrême droite.
Elisabeth Borne estimait que le parti de Marine Le Pen, descendant du Front national de son père Jean-Marie Le Pen, plusieurs fois condamné pour apologie de crime de guerre et contestation de crime contre l'humanité, était porteur d'une "idéologie dangereuse" et dont il ne fallait pas "banaliser" les idées.
Ce à quoi Emmanuel Macron avait rétorqué qu'il ne souhaitait pas combattre l'extrême droite "par des arguments moraux" mais par "le fond" et "le concret".
Par de "l'action" et des "résultats", renchérit aujourd'hui Gabriel Attal.
Un cadre du Rassemblement national dit trouver que Gabriel Attal est "moins sectaire" et "n'a pas le même regard moraliste" qu'Elisabeth Borne. Mais il attend de voir "s'il y a une évolution" de la majorité sur les textes transpartisans au parlement.
- "Frein" -
Car si plusieurs textes ont été votés par le RN, dont celui très controversé sur l'immigration fin décembre, la majorité veille "à ce qu'aucun texte ne soit voté uniquement grâce aux voix du RN", a précisé Emmanuel Macron.
Mais cette réintégration dans "l'arc républicain" ne fait pas l'unanimité au sein du camp présidentiel.
Le député Renaissance Marc Ferracci "ne (la) partage pas". "Je ne parle ni à l'extrême droite ni à La France insoumise" (LFI) du tribun d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon, accusé notamment d'ambiguïtés sur l'antisémitisme. "Je ne vois pas de raison de changer de méthode", assure-t-il.
"Macron j'ai vraiment l'impression qu'il prépare le terrain (à Marine Le Pen) pour ensuite se présenter en sauveur cinq ans plus tard", analyse un député Les Républicains (droite).
Une étude de la Fondation Jean-Jaurès, classée au centre gauche, parue jeudi, conclut que la "diabolisation" de Marine Le Pen était "un frein immense" pour ses électeurs potentiels et que "l'amélioration de son image" coïncide "de manière tout à fait spectaculaire à un vote massif pour elle".
Signe de sa dédiabolisation, la participation du RN à l'hommage aux victimes franco-israéliennes de l'attaque du 7 octobre du Hamas, n'a pas fait de vagues. Contrairement à la présence de La France insoumise (LFI, gauche radicale), contestée par des familles lui reprochant de ne pas qualifier le mouvement islamiste de "terroriste".