Amnesty International, la Fédération internationale des droits de l'homme, Human Rights Watch, la Ligue des droits de l'homme et Redress « se félicitent de cette initiative » et espèrent qu'elle pourra mettre fin à une situation où « de présumés génocidaires rwandais ou d'anciens dictateurs ont pu vivre en France sans être inquiétés par le système judiciaire ».
Les ONG détaillent leurs exigences dans un mémorandum de neuf pages.
Principale ambiguïté soulevée : « L'article 16 du projet de loi ne vise que les crimes contre l'humanité (ce qui comprend le crime de génocide) [...]. Il semble donc que le pôle ne pourrait pas être compétent en matière de crimes de guerre, de torture ou de disparitions forcées ». Les associations demandent au ministre d'encourager la commission des lois du Sénat à « inclure dans la compétence du pôle ces autres crimes ».
Elles soulignent ensuite « l'importance accrue de la création du pôle spécialisé suite à l'adoption d'une loi de mise en œuvre du Statut de la Cour pénale internationale », le 9 août 2010. «En dépit des critiques formulées par les organisations de la société civile, cette loi confie le monopole des poursuites au Parquet » et supprime « la possibilité pour les victimes de mettre en mouvement l'action publique par voie d'une plainte avec constitution de partie civile ».
Dès lors, les rédacteurs du mémorandum estiment « essentiel » que le Parquet devienne « proactif dans sa politique pénale », bien qu'il n'ait « quasiment jamais, jusqu'à ce jour, initié de son propre chef une procédure judiciaire concernant des violations graves des droits humains commises à l'étranger par un étranger [...] sauf sous la pression des plaignants et des organisations de la société civile. »
Les ONG encouragent aussi « vivement » le ministre à organiser un séminaire entre les personnels français et leurs homologues des autres pôles spécialisés européens afin de profiter de «cette riche expérience ». Elles lui recommandent d'attribuer au pôle spécialisé « un budget propre et des ressources suffisantes » et de lui donner les moyens d'une « collaboration efficace » avec les services d'immigration, le ministère des Affaires étrangères, de la Justice, les ambassades, les ONG et les représentants des victimes.
Les associations des droits de l'homme signataires soulignent enfin que « pour que le pôle réussisse dans sa mission, il est indispensable qu'il bénéficie d'un soutien politique fort ». « Il est évident que les affaires concernant la commission de graves crimes internationaux peuvent avoir des conséquences diplomatiques embarrassantes pour l'Etat français », concluent-elles, mais « gérer toutes les affaires qui tombent sous la compétence du pôle, faciles ou embarrassantes, est essentiel pour la crédibilité de cette entreprise ».
Examiné actuellement par la commission des lois, le projet de pôle spécialisé, qui sera présenté au Sénat en première lecture le 14 avril, pourrait être adopté par le Parlement français mi-2011.
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