22.06.11 - TPIR/BUTARE - VERDICT VENDREDI POUR UNE EX-MINISTRE, SON FILS ET QUATRE AUTRES ACCUSES

Arusha, 22 juin 2011(FH) - Poursuivis devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour leur rôle présumé dans le génocide des Tutsis de 1994, l'ex- ministre de la Famille et de la promotion féminine Pauline Nyiramasuhuko, son fils Arsène Shalom Ntahobali et quatre autres accusés entendront le verdict vendredi, 10 ans après l'ouverture de leur procès collectif.

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Le jugement tombera 16 ans après l'arrestation de certains d'entre eux, et plus de deux ans après la clôture des débats.

Jugés pour crimes de génocide et crimes contre l'humanité, les six accusés sont rangés par le procureur parmi les principaux responsables des massacres de Tutsis à Butare (sud) en 1994.

Sans eux, « le génocide n'aurait pas été possible à Butare », avait déclaré Holo Makwaia, à l'ouverture d'un long réquisitoire, le 20 avril 2009. La magistrate tanzanienne avait ensuite particulièrement accablé Nyiramasuhuko, seule femme à avoir été inculpée par le TPIR et première femme jugée pour génocide par un tribunal international.

"Shalom Ntahobali n'était pas loin de sa mère"

« Pauline Nyiramasuhuko n'était pas seulement une grande figure ; elle a été impliquée dans les massacres et les viols qui ont été commis (en 1994) à Butare », soutenait Makwaia dans son réquisitoire. « Au lieu de protéger les familles comme le stipulait le mandat de son ministère, elle a décidé d'exterminer les familles », avait-elle poursuivi.

« Shalom Ntahobali n'était pas loin de sa mère ; il a tué et violé », ajoutait la représentante du procureur.

Prenant le relais, la Canadienne Madeleine Schwarz  avait abondé dans le même sens, en accusant l'ex-ministre d'avoir ordonné à son fils, aux miliciens et aux soldats de tuer les hommes tutsis, de séquestrer, violer et mettre à mort les filles et les femmes tutsies.

Shalom Ntahobali « a travaillé avec sa mère pour éliminer les Tutsis », renchérissait un autre membre de l'équipe de l'accusation, Lansana Dumbuya.   Citant un témoin à charge, le juriste sierra-léonais avait affirmé que Ntahobali avait enlevé une fille tutsie à un barrage routier près de chez lui, l'avait entraînée sur un pont, puis violée avant de la tuer avec une hache.

Deux jours plus tard, la défense de l'ex-ministre contre attaquait. « C'est une abomination que de prétendre que Pauline Nyiramasuhuko est allée jusqu'à ordonner à son fils de violer des jeunes femmes tutsies », s'était indignée Me Nicole Bergevin, l'avocate principale de l'ex-ministre.

« Nyiramasuhuko n'est pas coupable de ces allégations abominables portées contre elle », avait ajouté l'avocate québécoise, appelant la chambre présidée par le Tanzanien William Hussein Sekule, à acquitter l'ex-ministre.

Le deuxième avocat de Nyiramasuhuko, Guy Poupart, également du barreau du Québec avait pour sa part dénoncé une campagne visant à diaboliser les membres du gouvernement en place pendant le génocide.

Plaidant également l'acquittement, Maître Normand Marquis, le défenseur de Shalom Ntahobali, avait fait état de graves contradictions dans les témoignages à charge et souligné que plusieurs accusateurs n'étaient même pas parvenus, lors de leur comparution, à reconnaître l'accusé dans le prétoire.

Conflit d'intérêts

Deux camps se sont dégagés lors du procès, certains accusés rejetant la responsabilité sur d'autres au grand plaisir du procureur. Ainsi, Joseph Kanyabashi, l'ancien maire de Ngoma -la commune qui abritait la célèbre cité universitaire de Butare- a toujours clamé qu'il n'avait plus d'autorité après l'assassinat du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994. Il n'a cessé de soutenir qu'il y avait à l'époque un pouvoir parallèle exercé par les responsables locaux du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND, l'ex-parti présidentiel).

Cette ligne de défense, partagée avec un autre accusé dans l'affaire, l'ex- préfet de Butare, Sylvain Nsabimana, a entraîné un conflit d'intérêts quasi permanent pendant le procès, avec Nyiramasuhuko et son fils Arsène Shalom Ntahobali. L'ex-ministre était en effet une des principales figures du MRND à Butare tandis que son fils était très proche de l'aile jeunesse du parti.

De leur côté, l'ancien maire de Muganza, Elie Ndayambaje, et le colonel Alphonse Nteziryayo qui succéda à Nsabimana à la mi-juin 1994, sont restés à l'écart à ce conflit.  

Kanyabashi et Ndayambaje ont été arrêtés en Belgique en juin 1995 ; Nyiramasuhuko, son fils et Nsabimana en juillet 1997 au Kenya et le colonel Nteziryayo en avril 1998 au Burkina-Faso.

Ouvert en juin 2001, leur procès est le plus long et sans doute aussi le plus coûteux de la justice pénale internationale. Les débats ont été particulièrement longs en raison de difficultés avec les témoins puis en raison de l'extrême lenteur des interrogatoires. Par ailleurs, plusieurs témoins experts ont été cités dans le procès, dont certains sont restés un mois dans le box. Le conflit d'intérêt entre accusés a également contribué à la longue durée du procès. Sans oublier le nombre record d'accusés.

ER/GF

© Agence Hirondelle