09.07.11 - SÉNÉGAL/TCHAD - LE SÉNÉGAL REMET HISSÈNE HABRÉ ENTRE LES MAINS DU TCHAD

Paris, 9 juillet 2011 (FH) - Le Sénégal a décidé de renvoyer vers son  pays lundi, par avion spécial, l'ancien président tchadien Hissène  Habré exilé à Dakar depuis sa chute en 1990, a annoncé vendredi le  porte-parole du président sénégalais Abdoulaye Wade.

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Cette décision intervient après un sommet de l'Union africaine, qui  s'est tenu à Malabo, en Guinée Equatoriale, les 30 juin et 1er  juillet, qui avait rappelé au Sénégal ses obligations : soit juger  Habré, soit l'extrader.

"Le Sénégal n'a pas voulu, comme le lui a demandé l'Union africaine,  l'extrader vers la Belgique et il a envisagé de l'envoyer dans son  pays", a indiqué le porte-parole sénégalais, cité par l'agence de  presse gouvernementale APS.

"Maintenant, a ajouté Serigne Mbacké Ndiaye, il appartient à tous  ceux qui se battaient, les ONG, d'accentuer la pression pour qu'il y  ait un procès équitable."

"Il va quitter Dakar lundi 11 juillet à bord d'un vol spécial. Il  sera accompagné par un représentant du président de la Conférence des  chefs d'Etat et d'un représentant du président de la Commission de  l'Union africaine", selon le porte-parole du gouvernement, Moustapha  Guirassy.

Le ministre des Affaires étrangères sénégalais, Madické Niang, a  également affirmé à l'agence APS, vendredi à Dakar, qu'une  extradition de Hissène Habré vers la Belgique serait "un désastre",  car l'ancien président tchadien reste avant tout un Africain.

L'option d'un jugement au Sénégal s'était radicalement éloignée début  juin, lors de la rupture des négociations ouvertes sous la  coordination de l'Union africaine pour mettre en place un tribunal  international ad hoc, appelé à juger Hissène Habré pour crimes contre  l'humanité. Le Sénégal avait reporté sine die une réunion d'experts  prévue à Dakar, et la coalition des ONG qui militait jusqu'alors pour  le jugement d'Hissène Habré sur le continent africain avait demandé,  le 10 juin, qu'il soit jugé en Belgique.

Une extradition vers le Tchad ne convient pas aux ONG de défense des  droits de l'homme, qui estiment qu'un procès équitable ne pourrait  avoir lieu pour Hissène Habré dans son pays.

L'ancien président tchadien a été condamné à mort par contumace le 15  août 2008, par la Cour criminelle de N'Djamena, pour crimes contre  l'humanité.

"Hissène Habré n'est pas un paquet qu'on fait passer sur un coup de  tête, il vit en exil au Sénégal depuis 20 ans avec femmes et  enfants", a déclaré vendredi sur la radio privée sénégalaise Sud FM  Alioune Tine, président de la Rencontre africaine de défense des  droits de l'homme (RADDHO).

"L'extrader vers le Tchad, c'est le livrer à ses bourreaux, il est de  notoriété que le chef de l'Etat tchadien Idriss Deby demeure son pire  ennemi et son régime applique encore la peine de mort et pratique la  torture", a ajouté M. Tine, un des fers de lance du combat des ONG  pour le jugement d'Habré.

"Nous estimons que l'extradition de Hissène Habré vers la Belgique  constitue l'option la plus tangible, la plus réaliste et la plus  opportune pour s'assurer que Hissène Habré réponde des accusations  portées contre lui dans le cadre d'un procès juste et équitable", a   également réagit Reed Brody, conseiller juridique pour Human Rights  Watch.

"L'extradition vers la Belgique ne viendra pas de l'Union africaine,  avait-il estimé dans un entretien à l'agence Hirondelle le 13 juin  dernier. Mais si le Tchad prend un rôle plus actif, comme le pays le  plus directement accepté détenteur d'une légitimité en terme  diplomatique, il peut aider à débloquer la situation."

Rien n'indique cependant qu'une extradition vers la Belgique soit  envisagée aujourd'hui par N'Djamena, qui ne s'est pas prononcé  publiquement sur le sort qui sera réservé à l'ancien dictateur.

FP/ER/GF

© Agence Hirondelle