Cette décision intervient après un sommet de l'Union africaine, qui s'est tenu à Malabo, en Guinée Equatoriale, les 30 juin et 1er juillet, qui avait rappelé au Sénégal ses obligations : soit juger Habré, soit l'extrader.
"Le Sénégal n'a pas voulu, comme le lui a demandé l'Union africaine, l'extrader vers la Belgique et il a envisagé de l'envoyer dans son pays", a indiqué le porte-parole sénégalais, cité par l'agence de presse gouvernementale APS.
"Maintenant, a ajouté Serigne Mbacké Ndiaye, il appartient à tous ceux qui se battaient, les ONG, d'accentuer la pression pour qu'il y ait un procès équitable."
"Il va quitter Dakar lundi 11 juillet à bord d'un vol spécial. Il sera accompagné par un représentant du président de la Conférence des chefs d'Etat et d'un représentant du président de la Commission de l'Union africaine", selon le porte-parole du gouvernement, Moustapha Guirassy.
Le ministre des Affaires étrangères sénégalais, Madické Niang, a également affirmé à l'agence APS, vendredi à Dakar, qu'une extradition de Hissène Habré vers la Belgique serait "un désastre", car l'ancien président tchadien reste avant tout un Africain.
L'option d'un jugement au Sénégal s'était radicalement éloignée début juin, lors de la rupture des négociations ouvertes sous la coordination de l'Union africaine pour mettre en place un tribunal international ad hoc, appelé à juger Hissène Habré pour crimes contre l'humanité. Le Sénégal avait reporté sine die une réunion d'experts prévue à Dakar, et la coalition des ONG qui militait jusqu'alors pour le jugement d'Hissène Habré sur le continent africain avait demandé, le 10 juin, qu'il soit jugé en Belgique.
Une extradition vers le Tchad ne convient pas aux ONG de défense des droits de l'homme, qui estiment qu'un procès équitable ne pourrait avoir lieu pour Hissène Habré dans son pays.
L'ancien président tchadien a été condamné à mort par contumace le 15 août 2008, par la Cour criminelle de N'Djamena, pour crimes contre l'humanité.
"Hissène Habré n'est pas un paquet qu'on fait passer sur un coup de tête, il vit en exil au Sénégal depuis 20 ans avec femmes et enfants", a déclaré vendredi sur la radio privée sénégalaise Sud FM Alioune Tine, président de la Rencontre africaine de défense des droits de l'homme (RADDHO).
"L'extrader vers le Tchad, c'est le livrer à ses bourreaux, il est de notoriété que le chef de l'Etat tchadien Idriss Deby demeure son pire ennemi et son régime applique encore la peine de mort et pratique la torture", a ajouté M. Tine, un des fers de lance du combat des ONG pour le jugement d'Habré.
"Nous estimons que l'extradition de Hissène Habré vers la Belgique constitue l'option la plus tangible, la plus réaliste et la plus opportune pour s'assurer que Hissène Habré réponde des accusations portées contre lui dans le cadre d'un procès juste et équitable", a également réagit Reed Brody, conseiller juridique pour Human Rights Watch.
"L'extradition vers la Belgique ne viendra pas de l'Union africaine, avait-il estimé dans un entretien à l'agence Hirondelle le 13 juin dernier. Mais si le Tchad prend un rôle plus actif, comme le pays le plus directement accepté détenteur d'une légitimité en terme diplomatique, il peut aider à débloquer la situation."
Rien n'indique cependant qu'une extradition vers la Belgique soit envisagée aujourd'hui par N'Djamena, qui ne s'est pas prononcé publiquement sur le sort qui sera réservé à l'ancien dictateur.
FP/ER/GF
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