Le procès se tiendra à Gulu, au nord de l'Ouganda, pour des raisons logistiques, notamment. Le conflit qui a opposé pendant vingt ans l'Armée de résistance du Seigneur au gouvernement s'est déroulé dans la région de Gulu, d'où sont donc issus les témoins qui seront appelés à déposer. Les victimes pourront, elles aussi suivre le procès.
Cette chambre spéciale de la Haute cour ougandaise, chargée de poursuivre les responsables de génocide, crimes de guerre, trafics illégaux, piraterie et terrorisme, a été créée en 2008, suite aux négociations organisées à Juba, au sud-Soudan, entre les rebelles de la LRA et le gouvernement ougandais, et destinées à mettre fin à 20 ans de guerre civile. L'objectif politique était alors d'assurer aux chefs de milices qu'ils seraient jugés en Ouganda, et non à la Cour pénale internationale (CPI), à La Haye, devant laquelle des chefs de la milice, dont Joseph Kony, sont poursuivis.
Thomas Kwoyelo avait été arrêté le 3 mars 2009 en République démocratique du Congo (RDC), suite à des combats qui opposaient la milice aux forces de l'opération Lightning Thunder, conduite conjointement par les armées ougandaise, congolaise et du sud-Soudan. Blessé, il avait été soigné à Entebbe puis incarcéré.
Contacté par Hirondelle, son avocat, Caleb Akala, a indiqué que son client plaiderait « non coupable » de toutes les charges retenues contre lui par le procureur. Le procureur a présenté une liste de 65 témoins, mais pourrait n'en appeler qu'une quinzaine. « Le procureur ne nous a pas transmis les déclarations des témoins », a cependant expliqué Caleb Akala. Les juges pourraient décider de reporter le procès.
Thomas Kwoyelo n'a pas bénéficié de la loi d'amnistie, comme d'autres anciens rebelles de la LRA arrêtés par l'armée ougandaise. Cette loi d'amnistie, qui court jusqu'en mai 2012, vise notamment à inciter les rebelles à la reddition. Interrogée par téléphone, Joyce Apio, coordinatrice de la Coalition des ONG ougandaises pour la CPI, estime que le procès pourrait être « un moment critique pour le nouveau gouvernement », nommé après l'élection présidentielle de janvier 2011, qui devra « à un moment donné dresser une ligne claire entre ceux qui bénéficient de l'amnistie et ceux qui en sont exemptés ».
A Gulu, le procès suscite un vif intérêt. « La situation est assez tendue à Gulu, les gens sont très émotifs », raconte Joyce Apio.
Thomas Kwoyelo risque la perpétuité. En juillet 2004, la Cour pénale internationale (CPI) avait ouvert une enquête sur les crimes commis par l'Armée de résistance du Seigneur, à la demande du gouvernement ougandais. Cinq mandats d'arrêt ont été émis contre les commandants de la milice, dont leur chef, Joseph Kony. Depuis l'échec des négociations entre le gouvernement et la LRA, en 2008, la milice a quitté le nord de l'Ouganda mais continue toujours de répandre la terreur en République centrafricaine et à l'est de la République démocratique du Congo, signant ses crimes en coupant le nez, les lèvres et les oreilles de ses victimes.
SM/GF
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