25.08.11 - FRANCE/RWANDA - KABILIGI: LE MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR DE NOUVEAU SANCTIONNÉ

Paris, 25 août 2011 (FH) - Le ministère de l'Intérieur "se contente d'allégations nullement étayées" pour continuer de refuser le séjour à Gratien Kabiligi, ancien général de l'armée rwandaise acquitté en 2008 par le Tribunal international pour le Rwanda, selon le tribunal administratif de Nantes qui lui a enjoint, le 23 août, "de prendre une nouvelle décision dans [un] délai de quinze jours".

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Pour la deuxième fois cette année, le ministère de l'Intérieur avait rejeté, le 4 juillet dernier, la demande de visa long séjour déposée par Gratien Kabiligi, au motif que sa venue en France constituerait "un trouble à l'ordre public".

Le 6 juin précédent, le même tribunal nantais avait pourtant déjà sanctionné un premier refus du ministère de l'Intérieur, jugeant qu'il y avait "un doute sérieux quant à la légalité de [cette] décision".

Le juge président du tribunal administratif de Nantes, Bernard Madelaine, vient donc de réitérer sa décision, arguant que "la communauté internationale ne saurait s'émouvoir de ce que l'un des Etats signataires de l'accord créant le tribunal pénal international pour le Rwanda accueille sur son territoire une personne acquittée par ledit tribunal".

L'ancien haut gradé rwandais peut dès lors "légitimement aspirer, après une longue séparation, à retrouver les membres de sa famille (épouse et filles) qui vivent en France et sont de nationalité française", indique-t-il dans son ordonnance du 23 août.

Le délai de quinze jours donné au gouvernement pour revoir sa décision concorde cependant avec la venue à Paris du président rwandais Paul Kagame, annoncée pour le 12 septembre.

"Le gouvernement pourrait laisser passer cette date et prendre ensuite la décision que lui demande de prendre le tribunal, commente l'avocat de M. Kabiligi, Alexandre Varaut. On comprend qu'il ne veut pas compromettre la visite du président Kagamé et gâcher l'ambiance. Mais la France est un Etat de droit et je ne vois aucune raison pour que le gouvernement ne finisse par accéder à la demande de visa de M. Kabiligi, ni pour qu'il maintienne ce bras de fer avec le tribunal administratif."

Contacté par l'agence Hirondelle, le ministère de l'Intérieur ne fait pas de commentaire sur cette affaire, selon son porte-parole Pierre-Henry Brandet.

Arrêté en 1997, Gratien Kabiligi a été remis au Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui l'a acquitté le 18 décembre 2008. Le procureur du TPIR n'a pas fait appel.

Le 6 juin dernier, la nouvelle présidente du tribunal d'Arusha avait lancé un appel aux États pour accueillir les personnes acquittées par sa juridiction. Faute d'avoir trouvé un pays d'accueil, Gratien Kabiligi et deux autres anciens suspects innocentés vivent depuis des années dans une résidence protégée par les Nations unies, à Arusha. Le plus ancien d'entre eux, l'ancien ministre des Transports André Ntagerura, a été acquitté il y a sept ans.

Deux autres acquittés du Tribunal international pour le Rwanda, les anciens maires Ignace Bagilishema et Jean Mpambara, ont toutefois déjà été accueillis par la France.

FP/GF

© Agence Hirondelle