21.09.11 - RWANDA/FRANCE - UN VISA SCHENGEN POUR KARENZI KARAKE, RECHERCHÉ PAR LA JUSTICE ESPAGNOLE

Bruxelles, 21 septembre 2011 (FH) - Recherché en Espagne pour crimes de guerre, le nouveau chef des services de renseignements rwandais, le général Karenzi Karake, a obtenu de la Belgique un visa  qui lui a permis d'accompagner le président Paul Kagame lors de sa récente visite officielle en France, ont révélé mercredi deux quotidiens flamands.

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Karenzi Karake est l'un des quarante officiers visés par des mandats d'arrêt internationaux émis par la justice espagnole début 2008. Il est accusé d'avoir commandité les assassinats de personnalités politiques de l'opposition rwandaise, tels Emmanuel Gapyisi le 18 mai 1993 et Félicien Gatabazi le 21 février 1994.Il aurait également dirigé d'importants massacres de population civile entre 1994 et 1997 dans plusieurs régions du Rwanda.

En avril 2010, le général Karenzi Karake avait été suspendu de ses fonctions pour "mauvaise conduite", dans le cadre d'un grand remaniement à la tête de l'armée rwandaise. Il était jusqu'en 2009 numéro deux de la mission de paix ONU-Union africaine (Minuad), déployée au Darfour, qui compte un important contingent rwandais. Membre du cercle restreint des officiers de haut-rang du Front patriotique rwandais issus de la diaspora Ougandaise, il a aussi joué un rôle important après le génocide dans l'offensive menée en République démocratique du Congo, qui a fait des dizaines de milliers de victimes parmi les réfugiés hutus.

En juillet dernier, marquant son retour en grâce au sommet de l'Etat, le président Paul Kagame a nommé le major général Emmanuel Karenzi Karake chef des services de renseignements rwandais, le National Intelligence and Security Services (NISS).

La Belgique a délivré "en représentation de la France » ce visa, ainsi que tous ceux de la nombreuse délégation ayant accompagné le chef de l'Etat rwandais, a précisé à Hirondelle le porte-parole des Affaires étrangères belge, Michel Malherbe.

Auterment dit, les autorités belges ont accordé ce visa à la demande des autorités françaises, tout en sachant que Karake était recherché par l'Espagne. « Etre sous le coup d'un mandat d'arrêt ne signifie pas interdiction de voyager ; la France a sollicité ces visas dans le cadre d'une visite officielle, et elle était libre de juger de l'opportunité d'arrêter ou pas M. Karake », selon M. Malherbe, qui estime que la Belgique n'était pas concernée tant que Karake ne mettait pas le pied sur le sol belge.

Il ne s'agit pas d'une procédure exceptionnelle : si la France dispose bien d'une ambassade et de services consulaires au Rwanda, la Belgique gère en fait la délivrance des visas Schengen pour la plupart des pays de l'Union européenne. « Il s'agit de l'application d'une recommandation de la Commission pour réduire les coûts ; par exemple, à Djakarta, ce sont les Pays-Bas qui sont chargés de la délivrance de ces visas », explique le porte-parole.

Plusieurs interrogations semblables ont déjà eu lieu autour de l'application de ces mandats. Ainsi, en mai 2008, la ministre rwandaise des Affaires étrangères avait dû annuler une visite en Belgique du fait de la présence (non officielle) dans sa délégation de Joseph Nzabamwita, alors numéro 2 de la sécurité extérieure et recherché aussi par la justice espagnole. La Belgique avait alors informé le Rwanda du risque d'une arrestation, afin d'éviter un incident diplomatique.

Le mois précédent, Rose Kabuye, alors directrice du protocole du président Kagame, avait pu se déplacer avec lui en voyage officiel en Allemagne alors qu'elle était visée par un mandat d'arrêt international émis par le juge français Jean-Louis Bruguière. Elle sera finalement arrêtée dans ce même pays quelques mois plus tard, dans le cadre de tractations diplomatico-judiciaires.

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