04.10.11 - DANEMARK/RWANDA - L'ACCUSATION EST PRÊTE POUR UN PROCÈS D'EMMANUEL MBARUSHIMANA

Paris, 4 octobre 2011 (FH) - Le Bureau spécial des crimes internationaux (SICO, Special International Crimes Office) est prêt pour le premier procès rwandais organisé au Danemark depuis le génocide de 1994, qui doit s'ouvrir en 2012 contre Emmanuel Mbarushimana, a déclaré mardi à l'agence Hirondelle son procureur adjoint Lars Plum.

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Le 13 septembre dernier, après près de trois années d'enquête, la procureur spéciale danoise Birgitte Vertsberg a émis un acte d'accusation contre Emmanuel Mbarushimana, 49 ans, qui s'était réfugié au Danemark en 2001 sous un nom d'emprunt. Jusqu'à son arrestation en décembre 2010, le Rwandais résidait dans la ville de Roskilde, à 30 km à l'ouest de Copenhague, où doit se tenir son futur procès.

Le SICO accuse cet ancien inspecteur des écoles de la préfecture de Butare, au sud du Rwanda, d'avoir participé à des tueries durant le génocide de 1994. « Nous l'accusons notamment d'avoir tenu avec d'autres personnes un barrage, d'avoir ordonné l'exécution d'un enfant de 12 ans, et d'avoir été l'un des meneurs des tueries commises sur la colline de Kabuye entre les 21 et 25 avril », précise le procureur adjoint Lars Plum.

En 2006, les autorités de Kigali avaient déclaré que le Danemark hébergeait une quinzaine de suspects de génocide. Un suspect avait été arrêté la même année, l'ancien directeur de l'aviation civile rwandaise Sylvère Ahorugeze, contre qui l'accusation avait par la suite abandonné les poursuites faute de preuves suffisantes.

Emmanuel Mbarushimana est le premier Rwandais à être conduit devant un tribunal au Danemark pour des faits liés au génocide de 1994. « Nous sommes prêts, maintenant ce sera à la cour de déterminer s'il s'agit ou non d'un dossier solide. Nous avons de bonnes raisons de penser que cette affaire conduira à une condamnation », souligne le procureur Plum.

Un épineux débat juridique pourrait cependant retarder le démarrage du procès, un tribunal de Roskilde ayant jugé, le 31 mai dernier, le Danemark incompétent « pour poursuivre des étrangers incriminés pour des faits de génocide commis à l'étranger ».

Le Bureau spécial des crimes internationaux n'a pas attendu le résultat de son appel contre cette décision pour émettre un acte d'accusation contre Emmanuel Mbarushimana. S'il est confirmé que le Danemark n'a pas juridiction pour ces crimes s'ils sont commis à l'étranger, nous poursuivrons ce dossier mais uniquement pour homicide. Dans tous les cas, nous irons au procès », explique le procureur adjoint.

« Nous avons dans cet acte d'accusation une charge principale de génocide et des accusations subsidiaires de meurtres, rétorque l'avocat du Rwandais, Björn Elmquist. Cela semble un peu étrange que l'on fasse un acte d'accusation pareil. Nous aimerions avoir des éclaircissements avant d'entamer le procès, car la catégorisation des preuves est à l'évidence différente s'il s'agit ou non de génocide. »

Selon l'avocat, il faudra attendre encore un mois avant la décision de la cour d'appel sur la compétence du Danemark en matière de génocide, puis trois ou quatre mois pour une décision de la Cour suprême. « Ce n'est qu'après que l'on pourra organiser le procès », estime l'avocat.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a par ailleurs divulgué au procureur, en mai dernier, l'identité d'un témoin protégé qui a déposé dans le procès de l'ex-ministre de la Famille et de la promotion féminine Pauline Nyiramasuhuko. Ce témoin devrait témoigner sous son vrai nom et à visage découvert dans le futur procès d'Emmanuel Mbarushimana.

Le Danemark affiche depuis dix ans sa volonté de poursuivre les crimes les plus graves, concrétisée par la création du SICO en 2002, qui indique avoir ouvert 228 enquêtes, dont seulement deux ont à ce jour abouti à des procès. Le Bureau spécial danois n'a pas souhaité indiqué combien d'enquêtes concernent actuellement des dossiers rwandais.

FP/GF

© Agence Hirondelle