Pour la représentante du procureur, Adesola Adeboyajo, le vice-premier ministre Uhuru Kenyatta et le directeur de Cabinet de la présidence, Francis Muthaura, ont conspiré et lancé des attaques en représailles aux violences perpétrées par les supporters du Mouvement démocratique orange (ODM), qui contestaient les résultats du scrutin au terme duquel Mwaï Kibaki était reconduit à la tête de l'Etat. Ex-chef de la police, le général Hussein Ali aurait permis au gang criminel des Mungiki de commettre leurs crimes.
Au cours des douze jours d'audience, les suspects ont largement contesté la thèse du procureur, jugeant les allégations de l'accusation « absurdes » et « imprécises ». Mais pour Mme. Adeboyajo, la procédure, qui n'est pas un procès, ne requiert pas une enquête complète. Elle a part ailleurs tenté de décrédibiliser les témoins présentés par la défense, rappelant que leurs « relations avec les suspects ne permettent pas de les qualifier de témoins indépendants ».
Pour Karim Khan, avocat de Francis Muthaura, « les victimes des violences ne demandent pas vengeance, ne veulent pas qu'un individu leur soit porté sur un plateau, elles veulent la justice ». Le procureur veut faire de Francis Muthaura « le pivot » des crimes, a-t-il regretté.
Steven Kay, défenseur du vice-premier ministre Uhuru Kenyatta, a demandé aux juges d'analyser les preuves de façon "équitable et impartiale". Il a reproché au procureur de n'avoir pas enquêté sur l'alibi présenté par M. Kenyatta, concernant notamment des réunions auxquelles il aurait, selon l'accusation, participé. « Une enquête requiert que vous regardiez où était le suspect et ce qu'il faisait », a-t-il asséné.
Défenseur du général Ali, Gregory Kerohe a évoqué les nombreux rapports de police déposés par la défense comme pièce à conviction. « Comment, à la lumière de cela, sommes-nous ici ? » a-t-il interrogé avant d'affirmer qu'« il n'y a pas eu d'appel téléphonique de l'ambassadeur Muthaura au général Ali, autorisant les Mungiki à se rendre dans la vallée du Rift », comme le soutient l'accusation. Pour l'avocat américain, le général Ali a fait ce qu'il devait faire : « sauver son pays de l'anarchie.»
La présidente de la chambre, la bulgare Ekaterina Trendafilova, s'est adressée aux Kényans - très nombreux à avoir suivi les audiences à la télévision - avant de clôturer l'audience, leur demandant de « respecter la vie, la sécurité et les biens des victimes et des témoins dans les deux affaires concernant le Kenya et d'être conscients du fait que les témoins ont accompli leur devoir civique » en déposant devant la Cour.
Les trois juges devront, dans les prochaines semaines, dire s'ils confirment, ou non, les charges portées contre les trois suspects. Ils rendront aussi leur décision concernant les charges portées contre William Ruto, Henry Kosgey et Joshua Sang, eux aussi poursuivis par le procureur pour les événements de 2007/2008.
SM/GF
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