Pour Eric McDonald, le massacre de Bogoro a été commis dans le cadre d'un conflit ethnique opposant les Lendu et les Ngiti, ethnie de l'accusé, aux Hema. Mais la thèse fait sourire l'accusé-témoin. « Monsieur Katanga, je vois que vous riez. Rien n'est drôle ici, tempête le procureur. Il y a plusieurs centaines de victimes qui sont mortes à Bogoro ! ». « Objection » de maître David Hooper, avocat de Germain Katanga, et de Jean-Pierre Fofé, défenseur de Mathieu Ngudjolo, pour qui « la théorie du procureur est loin de la vérité ».
Eric McDonald soutient que les combattants Lendu et Ngiti n'agissaient pas uniquement au titre de l'auto-défense, mais menaient parfois leurs propres offensives. Il estime en outre que ces attaques n'étaient pas toujours conduites sous le parapluie de l'Armée des patriotes congolais (APC), comme l'affirme l'accusé, qui explique qu'il n'avait aucun rôle de commandement dans cette milice, et dès lors aucune responsabilité dans ses décisions. Proche du pouvoir de Kinshasa, l'APC luttait contre l'Union des patriotes congolais (UPC), une autre milice qui était alors soutenue par l'Ouganda.
Le 5 septembre 2002, « l'attaque de Nyakunde a marqué l'histoire en Ituri » avance le substitut, « il s'agit du plus grand massacre dans ce conflit permanent, êtes-vous d'accord avec moi ? » « Malheureusement, monsieur le Procureur, vous n'avez pas enquêté sur ce massacre ! Pourquoi n'avez-vous pas enquêté ? Parce que là, vous avez vu qu'il y avait l'APC », rétorque l'accusé.
« Vous êtes un militaire. A 26 ans, vous avez été nommé brigadier général, c'est quand même quelque chose, si jeune... ! Pensez-vous qu'il était nécessaire de tuer autant de civils pour chasser l'UPC ?», reprend le substitut. « C'était une opération dirigée par des professionnels », rétorque Germain Katanga, affirmant qu'il n'était pas présent sur les lieux au moment de l'attaque.
« En plus d'être un braconnier, vous êtes un combattant. Mais cette journée là, vous êtes restés à Nyaberi à vendre des peaux d'Okapi et des défenses d'éléphants ? », ironise Eric McDonald. «Nyakunde ce n'est pas chez nous. Nous nous sommes des défenseurs. Nyakunde ce n'est pas un village Ngiti », lui répond Germain Katanga. Au cours de son interrogatoire principal, Germain Katanga a également affirmé qu'il n'était pas présent à Bogoro, le 24 février 2003.
« Les Ougandais étaient là », dit-il, amenés à Getty, en 2001 par Jean-Pierre Bemba « qui disait que c'était des militaires de paix. » Mais « c'était une force d'occupation qui était en Ituri ! ». Plus tard, l'accusé-témoin affirme que « l'UPC avait l'idéologie de construire un empire Hema-Tutsi ». « C'était terrible, ajoute-t-il. Créer un axe du Rwanda vers l'Ituri, on ne pouvait pas l'accepter. »
Sa déposition se poursuit. Après lui, Mathieu Ngudjolo interviendra à son tour à la barre des témoins.
SM/GF
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