La Finlande en première ligne pour juger des Russes

La Finlande est le théâtre d'un procès inhabituel, où un citoyen russe de 37 ans est jugé pour des crimes de guerre commis en Ukraine. Voislav Torden est accusé d'avoir dirigé une embuscade au cours de laquelle 22 soldats ukrainiens ont été tués, dont quatre exécutés après avoir été blessés dans l'est de l'Ukraine, en 2014. L'accusé nie toutes les allégations. Son interrogatoire public est attendu aujourd'hui.

Procès du soldat russe Voislav Torden en Finlande pour de possibles crimes de guerre commis en Ukraine. Photo sur un écran de télévision, Torden est assis lors de son procès, entouré de ses avocats.
Capture écran de la retransmission vidéo de l'ouverture du procès de Voislav Torden (en t-shirt vert), le 5 décembre 2024, à Helsinki. Photo : © Heikki Saukkomaa / Lehtikuva / AFP
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Voislav Torden, anciennement connu sous le nom de Jan Petrovski, a été arrêté à l'aéroport d'Helsinki-Vantaa, à l'été 2023, lors d'un contrôle de routine alors qu'il s'apprêtait à embarquer sur un vol à destination de Nice, dans le sud de la France. Il avait auparavant vécu en Norvège, dont il avait été expulsé en 2016 lorsque son permis de séjour permanent avait été révoqué. Selon les autorités norvégiennes, il représentait une menace grave pour les intérêts nationaux.

Selon l'acte d'accusation publié par le bureau du procureur finlandais, Torden, 37 ans, aurait commis des crimes de guerre lorsque lui et ses soldats du groupe paramilitaire Rusich ont tué 22 soldats ukrainiens, en ont blessé quatre autres et en ont mutilé un lors d'une embuscade dans l'est de l'Ukraine, en 2014. Le procureur estime que Torden, en tant que chef adjoint présumé de Rusich, a dirigé l'attaque.

Le Groupe d’assaut, de sabotage et de reconnaissance, connu sous le nom de Rusich, a combattu dans les zones séparatistes soutenues par la Russie à Louhansk, dans la région du Donbas, dans l'est de l'Ukraine, lorsque la guerre y a commencé en 2014, au moment où la Russie a annexé la Crimée. Cette milice aurait des liens avec le célèbre groupe russe Wagner et est désignée comme une organisation terroriste en Ukraine. Elle est connue pour sa brutalité et son utilisation de symboles nazis.

La défense nie tout en bloc

L'avocat de Torden, Heikki Lampela, affirme que l'ensemble de l'acte d'accusation est fondé sur des malentendus et de fausses preuves. La défense affirme que Torden n'a pas participé à l'embuscade mais qu'il était sur place pour enregistrer une vidéo de propagande avec un journaliste. Selon la défense, l'outrage causé à un soldat blessé n'a jamais eu lieu. Elle explique les marques sur le visage du soldat comme étant de la saleté et non le fruit d’une action intentionnelle. Les photos qui montreraient Torden avec des soldats morts auraient été manipulées ou mal interprétées par l'accusation. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles Torden aurait écarté toute pitié et préconisé des exécutions, la défense soutient qu'il ne faisait que relayer les ordres du chef du groupe à des fins de propagande.

Les preuves fournies par le procureur consistent principalement en des vidéos et des documents que Rusich a elle-même publiés en ligne. Selon le procureur, ces documents montrent clairement les actions violentes du groupe et le rôle prépondérant de Torden. La défense met en doute l'authenticité de ces documents et souligne que d'autres unités de combat, telles que le bataillon Zorja, pourraient être à l'origine de l'attaque.

Refus d'extradition vers l’Ukraine

L'Ukraine avait demandé l’extradition de Torden pour qu'il y réponde de ses actes. L'affaire a été portée devant la Cour suprême de Finlande, qui a jugé qu'une extradition n'était pas possible. Dans sa décision, la Cour suprême s'est référée à l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a déclaré que les conditions dans un certain établissement ukrainien de détention provisoire violaient l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit la torture. Cette prison était située dans la même région que celle où Torden aurait également été transféré, selon les autorités ukrainiennes.

L'affaire Torden ne concerne pas les crimes commis par les Russes après leur invasion à grande échelle de l’Ukraine, en février 2022. Mais il est le premier combattant russe à être jugé devant un tribunal hors d'Ukraine pour des crimes de guerre commis dans ce pays depuis 2014.

Au cours de la première partie de la procédure, le tribunal a examiné les preuves, telles que les enregistrements vidéo. Les victimes et les soldats ukrainiens rescapés sont entendus ce mois-ci. Les plaidoiries finales auront lieu fin janvier. Mais un moment clé du procès aura lieu ce 23 janvier, lorsque Torden lui-même témoignera publiquement pour la première fois.

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