21.03.12 - CPI/LUBANGA - POSSIBLES POURSUITES CONTRE LES INTERMEDIAIRES DU PROCUREUR

La Haye, 21 mars 2012 (FH) – En rendant son jugement à l’encontre de Thomas Lubanga, le 14 mars, la chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) a rejeté douze témoignages considérés comme « non crédibles ». Neuf de ces témoignages avaient été présentés par le procureur au cours du procès et trois par les représentants des victimes. Sur ces douze témoins, tous anonymes, neuf avaient obtenu le statut de victimes et ont dès lors perdu le droit de demander des réparations.

2 min 24Temps de lecture approximatif

Les juges ont, par ailleurs, demandé au procureur d’engager des poursuites pour « atteinte à l’administration de la justice » contre trois des intermédiaires utilisés lors de son enquête. L’accusation avait expliqué avoir engagé des intermédiaires faute de pouvoir, pour des raisons de sécurité, circuler sur le terrain. Les enquêteurs pouvaient, lors de missions d’une dizaine de jours, interroger les témoins identifiés par les intermédiaires depuis Bunia, chef-lieu de l’Ituri, en République démocratique du Congo (RDC), ou Kampala, en Ouganda.

Au cours du procès, la défense de Thomas Lubanga avait dénoncé, preuves à l’appui, l’existence de « faux témoins ». Des preuves jugées crédibles par la chambre, qui « considère que l’accusation n’aurait pas dû déléguer aux intermédiaires ses responsabilités en matière d’enquête, quels que fussent les problèmes de sécurité auquel elle devait faire face ». Ils ajoutent que « l’absence de réelle supervision des intermédiaires a eu pour autre conséquence de leur laisser la possibilité d’abuser de la situation des témoins avec lesquels ils se mettaient en rapport".

Pour les juges, l’intermédiaires 143 aurait persuadé et encouragé des personnes à donner de faux témoignages. L’intermédiaire 321, aurait promis de l’argent à des témoins, leur laissant entrevoir la possibilité d’acquérir divers avantages, comme de pouvoir faire des études. L’intermédiaire 316 aurait persuadé les témoins de mentir. A l’un d’entre eux, il aurait promis qu’il pourrait vivre « dans le pays des Blancs ». Le système de protection mis en place par la Cour permettant à certains d’entre eux d’être «relocalisés», soit dans une autre région, soit dans un pays tiers.

Membre des services de renseignement congolais, l’intermédiaire 316 aurait aussi peut-être des liens avec le président de la RDC, Joseph Kabila, écrivent les juges. Payé pour ses services par le Bureau du procureur, avec lequel il travaillait sous contrat de 2005 à 2008, l’intermédiaire 316 avait aussi aidé le Greffe. Convoqué au procès, il avait expliqué « être toujours resté loyal à mon gouvernement ». Aux cours des investigations, des enquêteurs du procureur avaient émis des doutes à son sujet, après qu’il aie fait état de menaces contre des témoins, de fausses menaces selon les juges. Le chef des enquêtes, Michel de Smedt, avait maintenu sa collaboration.

« La chambre est particulièrement préoccupée par le fait que l’accusation utilise comme intermédiaire un individu qui a des liens étroits avec le gouvernement » qui a saisi la Cour des crimes commis au Congo, lit-on dans le jugement. Les juges soulignent les tensions et « l’animosité » existant entre l’accusé et le gouvernement et précisent que dès lors, l’intermédiaire ne pouvait être ni  indépendent, ni impartial.  

L’ex-président de l’Union des patriotes congolais (UPC), Thomas Lubanga, a été reconnu coupable d’avoir enrôlé des enfants de moins de quinze ans dans ses troupes et de les avoir fait participer à des hostilités. Les juges détermineront la sentence dans les prochaines semaines.

SM/ER/GF

© Agence Hirondelle