20.04.12 - TSSL/TAYLOR - VERDICT LE 26 AVRIL DANS LE PROCES DEL’EX-CHEF DE L’ETAT LIBERIEN CHARLES TAYLOR

Freetown, 24 avril 2012 (FH) – Treize mois après les plaidoiries finales, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) rendra son jugement contre Charles Taylor le 26 avril. L’ancien président du Libéria est accusé de crimes contre l’humanité et de violations des conventions de Genève commis en Sierra Leone entre le 30 novembre 1996, date depuis laquelle le tribunal est compétent, et le 18 janvier 2002, fin de la guerre civile. Ce sera le premier jugement délivré par la justice internationale contre un ancien chef d’Etat.

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Selon l’accusation, Charles Taylor aurait financé, formé et armé les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF) pour piller les richesses diamantifères de la Sierra Léone. Au cours du procès, ouvert en juin 2007, le procureur a appelé 94 témoins à la barre, dont 32 « insiders », d’anciens alliés de l’accusé qui se sont retournés contre lui. Pour sa défense, Charles Taylor a convoqué 20 témoins et s’est ensuite présenté lui-même à la barre. Témoin de sa propre histoire, il a déposé pendant plus de cinq mois. 

Face au « chef de guerre » pointé par l’accusation,Charles Taylor s’est posé « en homme de paix ». Quand le procureur l’accuse de « terrorisme », il parle, lui, de « révolution ». Une révolution débutée au début des années 1980 dans les camps d’entraînements libyens du colonelKadhafi, « un héros africain », dira Charles Taylor. Grâce au soutien du Burkinabè Blaise Compaore, son « frère », Charles Taylor lance sa guerre pour s’emparer du pouvoir au Liberia en 1989, puis est élu à la tête del’Etat en 1997. Sa guerre en Sierra Léone a déjà commencé. Il soutient les rebelles du RUF dirigés par Foday Sankoh.   

De nombreuses victimes des « coupeurs de bras » du RUF ont déposé contre Charles Taylor, témoignant de la sauvagerie d’une guerre civile qui a fait plus de 150 000 morts et des milliers d’amputés.« Ebony », nom de code radio de Charles Taylor, selon l’un des témoins,a aussi dû affronter le témoignage de Joseph Marzah dit Zig Zag, un tueur, qui avait expliqué aux juges « comment on cuisine un casque bleu » et décrit la méthode « pour tuer les bébés ». Tout cela, sous les ordres de CharlesTaylor, avait-il affirmé. 

Mais pour Charles Taylor, « tout ce qui sejoue dans cette affaire est fondé sur un complot ». Le procès est une oeuvredu Pentagone, a-t-il affirmé. Il en voulait pour preuve le profil de sesaccusateurs dont la procureure en chef, Brenda Hollis, qui a longtemps émargé à l’US Air Force. Pour l’ex-président du Libéria, c’est son opposition aux plans régionaux de la compagnie pétrolière américaine Halliburton qui lui a valu de perdre le pouvoir et se retrouver dans le box des accusés.

Dans ce scénario, « je suis censé être lecrétin auquel les gens apportaient des diamants dans des pots de mayonnaise», avait-il lancé. Plusieurs témoins ont évoqué ses deals avec le RUF : échanges de diamants contre munitions. Trafic pour lequel les associés du « Pa’ », Ibrahim Bah et Benjamin Yeaten, n’ont jamais été inquiétés par le tribunal. Selon les Nations unies, les deux hommes ont recruté,en 2010 et 2011, des mercenaires libériens pour combattre en Côte d’Ivoire.

Pour l’expert Iain Smillie, appelé à labarre, le volume de diamants estampillés Libéria et vendus sur la place d’Anvers, en Belgique, était plus important que ce que pouvait produire le pays. Il fallait donc y ajouter les diamants « de sang » de la SierraLéone, récoltés par une population terrorisée et réduite à l’esclavage. Les armes fournies au RUF par Charles Taylor sont d’abord livrées au Libériapar le célèbre marchand d’armes Viktor Bout, ou encore Mohammed Jamil, suspecté par les Nations unies d’entretenir des liens avec Al-Qaida etle Hezbollah et devenu « le pourvoyeur d’armes de Charles Taylor, qui revendait les diamants », avait expliqué M. Smillie à la barre. 

Sommée de comparaître à la demande du procureur, la star britannique, Naomi Campbell, avait dû s’expliquer sur des diamants bruts que lui aurait offerts Charles Taylor lors d’un diner de charitéorganisé par Nelson Mandela en Afrique du Sud, en septembre 1997. Mais la star avait botté en touche, assurant ne pas connaître l’auteur de ce cadeau qui pour elle, n’était rien d’autre que « de petites pierres sales». 

Le procureur a aussi déposé des preuves de transactions bancaires au bénéfice de l’accusé. Selon les pièces, 14 millions de dollars auraient transité, en trois ans, sur son compte à la Banque libérienne pour le développement et l’investissement. Un compte secret, destiné à contourner l’embargo sur les armes pour protéger son pays, avait affirmé Charles Taylor. Mais pour le procureur, l’argent allait directementdans les poches de l’ex chef d’Etat. 

A l’ouverture du procès, le procureur avait promis que l’argent de Charles Taylor serait remis aux victimes. Mais les enquêteurs du tribunal ne sont pas parvenus à mettre la main sur le magot supposé. 

Mis en accusation et menacé par une rébellionau Libéria, Charles Taylor avait quitté le pouvoir en août 2003, et bénéficié d’un exil négocié avec le président nigérian d’alors, Olusegun Obasanjo.En mars 2006, pressé par Washington, M. Obasanjo décidait de ne plus respecter l’accord passé avec l’encombrant invité. Charles Taylor était arrêté le 29 mars à la frontière avec le Cameroun, puis plus tard, transféré à La Haye, aux Pays-Bas à la demande de la nouvelle présidente du Libéria,Ellen Johnson-Sirleaf. 

Si Charles Taylor est reconnu coupable, il purgera sa peine au Royaume Uni.  

 

SM/ER/GF