08.08.12 - TRANSFERTS - UN RWANDAIS NE PEUT ETRE IMPARTIAL DANS UNE AFFAIRE DE GENOCIDE, SELON UN AVOCAT

Arusha, 8 août 2012 (FH) – L’avocat de permanence du lieutenant-colonel Phénéas Munyarugarama, qui fait l’objet d’une décision de renvoi vers le Rwanda, soutient, dans son appel contre ce transfert, que les magistrats rwandais ne sauraient être impartiaux dans des affaires liées au génocide des Tutsis de 1994.

2 min 24Temps de lecture approximatif

Selon lui, les Rwandais ont été affectés, d’une façon ou d’une autre, par ce crime et ne peuvent donc pas dire le droit dans ce type de procès. Le procureur répond que l’argument a été déjà rejeté en première instance et demande aux juges d’appel de confirmer le renvoi.

Le transfert de cette affaire a été décidé en juin dernier. Encore en fuite, le lieutenant-colonel Phénéas Munyarugarama, qui commandait le camp militaire de Gako, dans l’est du Rwanda, pendant le génocide des Tutsis de 1994, est inculpé de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité.

Ce manque d’impartialité allégué constitue le principal motif d’appel de Maître Francis Stolla dans son recours déposé le 31 juillet, avec cinq jours de retard. Envoyé abusivement au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), l’appel sera examiné par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI) qui a hérité début juillet de certaines fonctions du TPIR.

« Les juges rwandais ne sont pas et ne peuvent pas être impartiaux en jugeant des affaires de génocide au Rwanda », soutient l’avocat tanzanien. Pour lui, les magistrats rwandais, en tant qu’êtres humains, « ont été affectés par les événements qui se sont passés au Rwanda entre janvier et décembre 1994 ». Le défenseur ne conteste pas la compétence des juges de Kigali mais souligne que « toute personne de nationalité rwandaise, qualifiée pour être juge aujourd’hui a été témoin de la perpétration des crimes allégués, les a vécus ou sentis ». « Cet état des choses fait que tout juge, qui est citoyen rwandais, manque d’impartialité pour juger des affaires concernant » ces crimes, poursuit l’avocat. Pour cette raison, il demande l’annulation du renvoi pour que Munyarugarama puisse être jugé à Arusha.

Dans sa réaction déposée mardi, le procureur revient d’abord sur le délai. « Alors qu’il avait suffisamment de temps pour le faire, le conseil de permanence n’a pas demandé de délai supplémentaire pour le dépôt de son mémoire, il a simplement déposé son mémoire après expiration du délai, mettant ainsi la chambre d’appel devant le fait accompli », fait remarquer James Arguin, avocat général principal.

Alors que le délai courait jusqu’au 26 juillet, Me Stolla a déposé son appel cinq jours plus tard, expliquant qu’il avait dû se rendre au chevet de sa mère malade. Concernant le fonds du recours, James Arguin affirme que l’appelant brandit le même argument qui a été rejeté au premier degré par la chambre de renvoi, car « infondé ». Munyarugarama ne démontre pas ses affirmations selon lesquelles les magistrats rwandais sont incapables de « séparer les sentiments personnels qu’ils pourraient avoir, de leurs responsabilités solennelles de juges », poursuit le magistrat. « En tant que professionnels formés et expérimentés, les juges du Rwanda, comme les juges du Tribunal (international), sont pleinement capables de séparer les événements qui se sont produits en dehors de la salle d’audience, des éléments de preuve présentés dans le prétoire », ajoute le procureur demandant aux juges d’appel de confirmer la décision de renvoi.

La chambre d’appel devrai rendre son arrêt avant la fin de l’année.

ER/GF