31.08.12 - TPIR/TRANSFERTS - PRE-DEBAT EN APPEL SUR LE RENVOI AU RWANDA DE BERNARD MUNYASHIGARI

Arusha, 31 août 2012 (FH) – Même si les mémoires nécessaires n’ont pas encore tous été déposés, le débat en appel sur le renvoi au Rwanda de Bernard Munyagishari, un des anciens dirigeants du MRND pour la préfecture de Gisenyi (nord), a déjà commencé.

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Poursuivi pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité, l’accusé était secrétaire général du parti présidentiel pour la préfecture de Gisenyi. Il était également président de l’aile jeunesse du parti, les Interahamwe, pour la même région. Demandé par le procureur du Tribunal pénal international (TPIR), le transfert de Munyagishari a été décidé dans une décision du 6 juin dernier, totalement contestée par le concerné et partiellement critiquée par la partie adverse.

Le procureur a déjà déposé son mémoire d’appel. La défense, faute de pouvoir développer ses arguments avant d’obtenir la version française de la décision de renvoi, n’a, à ce jour, produit que son acte d’appel. Le Rwanda a lui aussi donné ses soumissions.

Haut dirigeant

Comme annoncé dans sa notification d’appel, la défense de Munyagishari entend reprendre son principal argument. Pour Maître Philippe Moriceau, l’ancien responsable préfectoral des Interahamwe ne rentre pas dans la catégorie des candidats au renvoi, telle que définie par l’ONU. En effet, dans sa résolution 1503, le Conseil de sécurité « priait instamment » le TPIR « d’arrêter une stratégie détaillée […] en vue de déférer devant les juridictions nationales compétentes, y compris celles du Rwanda, des accusés de rang intermédiaire ou subalterne », dans le cadre de la stratégie de fin de mandat. Selon l’avocat français, un président des Interahamwe au niveau préfectoral, de surcroit membre du comité préfectoral du parti, est trop gros pour passer dans ce moule.

« La chambre de première instance a commis une erreur de droit, en jugeant que Bernard Munyagishari n’appartenait pas à la catégorie des plus hauts dirigeants », proteste Me Moriceau. L’avocat entend également faire valoir, comme en première instance, que son client ne pourrait pas, devant la justice rwandaise, « obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge sous les mêmes conditions que les témoins à charge ».

Les compétences juridiques restent les mêmes

La partie adverse, s’attaque, pour sa part, à certaines conditions posées par la chambre de renvoi, comme préalables au transfert effectif. Une de ces exigences est que le barreau de Kigali s’engage par écrit à désigner, pour défendre Munyagishari, un avocat jouissant d’une expérience internationale et pouvant mener l’interrogatoire d’un témoin par voie de vidéo-conférence. L’accusé fait valoir, en effet, que nombre de ses témoins potentiels ne sont pas prêts à venir déposer au Rwanda.

Pour l’avocat général principal, James Arguin, la chambre est allée trop loin dans les détails. Et, poursuit-il, le barreau de Kigali compte, en son sein, des avocats jouissant d’une expérience internationale. S’agissant des témoignages à distance, le juriste américain écrit : « Conduire les dépositions de témoins vivant à l’étranger ou par voie de vidéo-conférence ne requiert pas d’expertise particulière ». Les services d’interprétation peuvent s’en trouver plus chargés et requérir l’intervention d’un technicien plus expérimenté pour établir la liaison video, « mais les compétentes juridiques restent les mêmes », ajoute le représentant du procureur.

La décision de renvoi demandait par ailleurs au parquet du Rwanda une assurance écrite que « l’entreprise criminelle commune ne serait pas un mode de responsabilité » contre  Munyagishari. « Je vous donne mon assurance solennelle que le Rwanda ne cherchera pas à introduire l’entreprise criminelle commune comme un mode de responsabilité » dans ce cas précis, écrit le procureur général Martin Ngoga, dans une lettre à la chambre de renvoi. L’entreprise criminelle commune (e.c.c), une théorie encore en construction, n’est pas un chef d’accusation mais une forme de responsabilité. Les parties à l’e.c.c. sont responsables, non seulement des crimes qu’ils ont ensemble convenu de commettre, mais aussi de tout autre crime considéré comme une conséquence naturelle et prévisible de cette entreprise commune.

ER/GF