Jugé à Paris pour complicité de crimes de guerre en Syrie, un ex-rebelle syrien a assuré lundi avoir voulu dénoncer le recrutement de mineurs par son groupe après l'avoir quitté et s'est présenté comme un "lanceur d'alerte", provoquant la surprise de la cour et des parties civiles.
Majdi Nema, ancien porte-parole de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), un groupe rebelle salafiste, est lui-même soupçonné d'avoir aidé, entre 2013 et 2016, à enrôler des enfants ou des adolescents pour les former à l'action armée, des faits passibles de 20 ans de réclusion criminelle.
Il conteste les accusations, faisant notamment valoir qu'il oeuvrait comme porte-parole depuis la Turquie et ne peut donc pas être accusé de ces faits.
Ce lundi, Me Marc Bailly, un des avocats des parties civiles, a diffusé une vidéo montrant une parade de membres de JAI, parmi lesquels figurent plusieurs jeunes garçons.
"Je me rappelle très bien de cette vidéo, c'était après ma démission de Jaysh al-Islam", déclare Majdi Nema, qui affirme avoir quitté le groupe en 2016.
"On était en train de préparer une affaire contre JAI en Turquie pour crimes de guerre, cette vidéo était parmi les éléments qu'on allait utiliser dans cette affaire", affirme-t-il.
"J'ai travaillé sur ce dossier pendant un an et demi, et malheureusement la Turquie a refusé" de lancer des poursuites, ajoute-t-il, se qualifiant de "lanceur d'alerte".
Stupeur dans la salle d'audience. Me Bailly s'étonne: une vidéo montrant notamment des enfants en train de confectionner des armes dans une usine avait déjà été diffusée la semaine précédente. Pourquoi ne pas avoir dit cela à ce moment-là ?, demande-t-il.
"J'ai posé la question quand j'étais encore porte-parole, on m'a répondu que c'était une usine civile qui avait un contrat avec JAI", répond l'accusé, sous-entendant que les enfants étaient employés par l'usine et non JAI. Sans répondre à la question qui lui a été posée.
L'avocat rappelle ensuite des propos de Majdi Nema figurant au dossier, selon lesquels il assurait qu'il serait toujours "loyal" à JAI.
"En fait jusqu'à aujourd'hui, je suis avec JAI, je suis avec toutes les organisations", s'énerve Majdi Nema. "Vous pouvez diaboliser autant que vous voulez les factions de rebelles syriens, ces factions ont défendu les rebelles syriens face au pire criminel de ce siècle", Bachar al-Assad.
Mais n'y a-t-il pas une contradiction entre être loyal et vouloir porter plainte contre JAI ?, relance Me Bailly.
"Oui c'est possible si vous le décidez", répond l'accusé. "Est-ce que JAI est criminel ? En fait selon moi toute cette affaire se base sur cette question-là", lance-t-il, disant "être prêt à apporter des réponses".
"Ces questions, je vais les poser à des témoins, des parties civiles, on verra quelles seront leurs réponses", rétorque l'avocat.