Le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), parti qui a dominé durant près de trente ans la vie politique en Ethiopie, a été "radié" pour ne pas avoir respecté ses obligations légales, a annoncé mercredi la Commission électorale nationale éthiopienne (NEBE).
Le parti, rongé par les divisions internes mais toujours très influent dans la région instable du Tigré (Nord), avait déjà été suspendu pour trois mois en février pour ne pas avoir organisé d'assemblée générale, a ajouté la NEBE dans un communiqué publié sur X, en évoquant les "manquements" du TPLF.
Ce dernier peut toutefois demander à être réenregistré en vue des élections qui doivent se tenir avant juin 2026.
Depuis plusieurs mois, les tensions entre les dirigeants de cette formation sont extrêmement vives dans cette région peu peuplée (environ six millions habitants, dans un pays qui en compte quelque 130 millions), ravivant le spectre d'un nouveau conflit. Les relations sont également à couteaux tirés entre l'Ethiopie et l'Erythrée, qui partage une longue frontière avec le Tigré.
Une frange du TPLF entretient également des rapports houleux avec le gouvernement fédéral d'Addis Abeba.
En février, la NEBE avait affirmé que "l'enregistrement du parti (serait) annulé" si ses instances dirigeantes ne prenaient pas de "mesure corrective". Les instances dirigeantes du TPLF avaient alors vilipendé cette suspension, déclarant ne pas la respecter.
Pour la commission électorale, la formation tigréenne n'a donc pas honoré ses obligations.
Le TPLF avait déjà perdu son statut de parti politique fin 2020, dès le début de la guerre entre les rebelles tigréens et les forces gouvernementales, qui a fait rage jusqu'en novembre 2022. Il a été plusieurs années considéré par Addis Abeba comme une entité terroriste.
La formation, toute puissante pendant près de trente ans, a été marginalisée dès l'arrivée au pouvoir en 2018 de l'actuel Premier ministre Abiy Ahmed, sur fond de manifestations d'ampleur dans le pays.
- Turbulences internes -
Elle traverse actuellement de fortes turbulences internes, nourries par les rivalités entre son président Debretsion Gebremichael et Getachew Reda, récemment nommé ministre du gouvernement fédéral après avoir été démis de ses fonctions à la tête de l'administration intérimaire du Tigré. Ce dernier a également récemment fondé un nouveau parti politique.
Interrogé sur cette radiation et ces conséquences, Wondimu Asamnew, haut cadre du parti et proche de Debretsion Gebremichael, n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.
Cette radiation ne surprend pas Kjetil Tronvoll, spécialiste de la Corne de l'Afrique et professeur à l'Oslo New University College, qui affirme à l'AFP qu'elle est dans la "continuité de ces deux dernières années" au vu des relations tendues entre le TPLF et Addis Abeba.
Maintenant, "la balle est dans le camp d'Abiy Ahmed, qui peut soit confirmer la décision de la NEBE, soit la reconsidérer", affirme-t-il.
La guerre avait éclaté dans le Tigré deux ans après l'arrivée au pouvoir de M. Abyi.
Les combats entre les rebelles tigréens du TPLF et les forces gouvernementales, appuyées par des milices et l'armée érythréenne, ont causé au moins 600.000 morts, selon une estimation de l'Union africaine, en faisant l'un des conflits les plus meurtriers de ces dernières décennies. Les différents belligérants ont été accusés de crimes de guerre.
Un accord de paix signé en Afrique du Sud a fait taire les armes. Mais des défis persistent comme le retour des déplacés, qui sont encore environ un million, selon l'ONU.
Le Tigré est aujourd'hui exsangue. Le coût de la reconstruction après la guerre dans cette région mise sous cloche pendant la majeure partie du conflit, sans système bancaire ni aide humanitaire, avait été estimé par les autorités fédérales à environ vingt milliards de dollars.
Et pour Kjetil Tronvoll, cette radiation pourrait pousser le parti à "reconsidérer de nouvelles alliances avec d'autres acteurs politiques en Éthiopie et dans la région", en faisant référence à l'Erythrée.