La radiation mercredi du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) constitue une "menace sérieuse" pour le processus du paix en Ethiopie, qui a mis fin en 2022 à une sanglante guerre dans le nord du pays, a dénoncé jeudi ce parti qui a dominé durant près de trente ans la vie politique éthiopienne.
Dénonçant par ailleurs une "décision unilatérale", le TPLF a, dans une lettre adressée au président de la Commission de l'Union africaine, appelé à "faire pression" sur le gouvernement éthiopien pour qu'il suspende la décision prise par la Commission électorale nationale éthiopienne (NEBE), qui l'a justifiée en évoquant les "manquements" du TPLF.
En novembre 2022, des membres du TPLF avaient signé à Pretoria, en Afrique du Sud, un accord de paix avec des représentants des autorités fédérales pour mettre fin au conflit qui a ensanglanté pendant deux ans le Tigré, région septentrionale de l'Ethiopie.
De novembre 2020 à novembre 2022, un conflit a opposé les forces fédérales éthiopiennes, appuyées par des milices locales et l'armée érythréenne, aux rebelles du TPLF. Les différentes parties prenantes à cette guerre, qui a fait au moins 600.000 morts selon l'Union africaine, ont été accusées de crimes de guerre.
Ce conflit s'est déroulé à huis clos, les autorités d'Addis Abeba ayant mis le Tigré sous cloche, l'aide humanitaire étant bloquée.
Les armes se sont tues, mais la région est aujourd'hui exsangue économiquement, alors que quelque un million de personnes sont toujours déplacées.
Le TPLF avait déjà perdu son statut de parti politique fin 2020, dès le début de la guerre. Il a été plusieurs années considéré par Addis Abeba comme une entité terroriste.
La sanction contre le parti, qui jouit toujours d'une influence dans cette région d'environ six millions d'habitants, couvait depuis plusieurs mois.
En février, la NEBE avait affirmé que "l'enregistrement du parti (serait) annulé" si ses instances dirigeantes ne prenaient pas de "mesure corrective". Les instances dirigeantes du TPLF avaient alors condamné cette suspension, déclarant ne pas la respecter.
Pour la commission électorale, la formation tigréenne n'a donc pas honoré ses obligations.
Le TPLF, qui a dirigé de fait cet immense pays d'Afrique de l'Est de 1991 à 2018 avant l'arrivée au pouvoir de l'actuel Premier ministre Abiy Ahmed, est aujourd'hui miné par les divisions internes, qui ont fait planer le risque d'un nouveau conflit.
Ces derniers mois, des maires installés par Getachew Reda, haut cadre du TPLF qui a participé à l'accord de paix, ont été démis par des hommes en armes proches de Debretsion Gebremichael, chef du TPLF. M. Getachew, qui a récemment créé une formation politique, est entré au gouvernement fédéral.
Les relations sont également dégradées entre l'Ethiopie et l'Erythrée, qui partage une longue frontière avec le Tigré.