10.10.12 - CPI/KADHAFI - « LA COUR N’EST PAS UN TERRAIN DE JEU POLITIQUE » (DEFENSE)

La Haye, 10 octobre 2012 (FH) – La Cour n’est pas « un terrain de jeu politique, encore moins une table ronde diplomatique », a lancé maître Xavier-Jean Keita, l’un des avocats désigné par les juges de la Cour pénale internationale (CPI) pour représenter Saïf Al-Islam Kadhafi.

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Le fils de l’ancien dictateur libyen, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pour crimes contre l’humanité, est incarcéré en Libye depuis bientôt un an. Depuis mardi, la Libye tente de convaincre les juges de sa volonté et ses capacités à le juger devant ses propres tribunaux. Mais les avocats du suspect ont mis la Cour en garde contre toute « parodie de justice ».

« Monsieur Kadhafi n’est pas un cobaye », a déclaré maître Melinda Taylor. « La logique de la Libye disant qu’elle doit juger Kadhafi pour renforcer ses capacités à rendre justice, c’est placer la charrue avant les bœufs », a asséné l’avocate australienne.

Les nouvelles autorités libyennes plaident leur jeunesse, les quarante ans de dictature et une guerre, pour justifier leurs difficultés à mettre sur pied une procédure équitable pour M. Kadhafi. Elles demandent dès lors aux juges de la Cour de leur donner du temps avant de se prononcer. « Donner un mois de plus à la Libye, ce n’est pas important, rétorque maître Taylor, mais un mois de plus de détention au secret, c’est extrêmement difficile », affirme-t-elle, ajoutant que son client « éprouve un stress mental alors qu’il ne peut pas préparer sa défense et risque la peine de mort ». La peine de mort est toujours en vigueur en Libye, et amoindrit les chances de Tripoli dans cette affaire.

L’avocate a ensuite affirmé que les conditions de sécurité en Libye ne permettent pas de conduire une procédure équitable. Sans sécurité, « les juges ne peuvent agir de façon indépendante, les témoins ne peuvent pas déposer avec des protections correctes, leur vie et leur intégrité sont en péril, et l’équipe de la défense ne pourra pas se déplacer pour se rendre sur des lieux clés ».

Melinda Taylor a ensuite dénoncé les violations des droits du suspect, affirmant qu’« on ne peut pas se revendiquer de la révolution et de la justice tout en se soustrayant à la justice s’agissant des membres de l’ancien régime, y compris Saïf Al-Islam Kadhafi. »

Considéré comme le « premier ministre de facto » de l’ancien régime par les juges de la Cour, Saïf Al-Islam Kadhafi est détenu depuis 11 mois, au secret, sans contact avec sa famille ou ses amis, sans pouvoir contester sa détention devant un juge, a rappelé l’avocate, avant d’affirmer qu’il serait difficile à tout avocat de le défendre. Melinda Taylor avait été arrêtée le 7 juin, au cours de sa seconde et dernière rencontre avec son client, détenu par la brigade de Zintan, dans le sud-ouest de la Libye. Avec une émotion perceptible, elle a rappelé avoir passé 26 jours en détention. Une mesure de « représailles » contre les avocats du suspect, a-t-elle affirmé.

« Nous avons tout fait pour éviter d’en parler, a, plus tard, rétorqué l’avocat de la Libye, maître Philippe Sands, et vous avez été témoin du spectacle remarquable de cette personne qui agit à la fois à titre de témoin et à titre de conseil », laissant entendre, à demi-mot, que la chambre devrait prendre des mesures contre tout conflit d’intérêts. L’avocat franco-britannique a en outre qualifié de « rideau de fumée », les allégations de violations des droits de l’homme en Libye, détaillées par la défense.

L’audience s’est ensuite poursuivie à huis clos et en la seule présence du bureau du procureur et de la Libye.

SM/ER/GF