Sur les trottoirs du centre de Johannesburg, les Sud-Africains témoignaient jeudi de leur colère après les accusations répétées la veille à la Maison Blanche par le président américain Donald Trump concernant de prétendues persécutions des fermiers blancs, lors d'une rencontre aux airs de piège tendu à son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa.
"Ca me contrarie", confie Nicole Mbhele, étudiante dans le quartier universitaire de Braamfontein. Donald Trump "a laissé penser qu'on voulait tuer des Blancs ou des fermiers blancs pour la terre ou bien pour récupérer la terre", ajoute-t-elle, la tête emmitouflée dans une chapka pour se protéger des premiers froids de l'hiver austral.
Cible répétée du président américain depuis son retour à la Maison Blanche, Cyril Ramaphosa espérait "remettre à zéro" sa relation avec Washington, après des mois marqués par des coupes d'aides, une expulsion de l'ambassadeur sud-africain et des accusation de "génocide" envers les fermier blancs sud-africains.
Mais M. Trump a interrompu la conférence de presse dans le bureau ovale, devant le président sud-africain médusé, pour diffuser un montage vidéo censé appuyer ses allégations.
"C'était assez incroyable à voir car c'était orchestré et coordonné en coulisses", a commenté à la chaîne Newzroom Afrika le porte-parole de la présidence sud-africaine, Vincent Magwenya, mercredi soir. "Le président est sorti de la rencontre en disant +Les gars, on s'y attendait, c'est arrivé+."
La séquence de quatre minutes et demi montre notamment le leader d'un parti d'opposition lancer un chant historique - et polémique - de la lutte anti-apartheid qui appelle à "tuer le Boer", à savoir les fermiers descendants des premiers colons européens.
"Donald Trump ignore ce qui se passe en Afrique du Sud", jugeait jeudi Naledi Morwalle, vendeuse de 25 ans. Il porte, selon elle, de "fausses accusations sur le pays".
- Avis partagés sur Ramaphosa -
La prestation sur un fil de Cyril Ramaphosa, pour ne pas braquer le président américain sans non plus se soumettre, divisait les badauds ayant regardé la scène à la télévision.
Pour certains, il aurait pu se montrer plus catégorique dans son rejet des accusations de "génocide" blanc, qui ne reposent sur aucune donnée. D'autres ont noté son calme à toute épreuve et son rappel que ses compatriotes noirs étaient les premières victimes de la criminalité en Afrique du Sud, un des pays au monde affichant le pire bilan en la matière.
"Je trouve que notre pays a fait bonne impression. Il a présenté les faits", a réagi Ulrich Steenkamp, jeune militant pour les droits des premiers peuples autochtones en Afrique du Sud.
La vidéo qui a été diffusée pendant la rencontre par Donald Trump, montrant notamment des rangées de croix blanches que le président américain a faussement présentées comme des sépultures de fermiers blancs tués, a clairement ébranlé Cyril Ramaphosa, d'après Thelela Ngcetane-Vika, professeure à l'école de politique publique de l'université du Witwatersrand.
"Dans la première moitié de la séquence, le président Ramaphosa était très bien préparé, posé comme un homme d'Etat, diplomate... mais quand la vidéo a commencé, on a pu voir son langage corporel changer, il est devenu mal à l'aise", analyse-t-elle.
Pour elle, le chef d'Etat aurait dû contrer les accusations trumpiennes par des statistiques, alors qu'il a préféré donner la parole sur le sujet à son ministre de l'Agriculture, John Steenhuisen, blanc et issu d'un parti de centre droit.
Pour Authur Williams, père de famille de langue afrikaans interrogé par l'AFP à Sandton, quartier des affaires du nord de Johannesburg, le succès de la visite ne pourra être évalué qu'à la lumière des accords commerciaux éventuellement conclus: "J'espère franchement que sur le plan économique, on trouvera un accord bénéfique pour tout le monde".
Car, avant le retour de Donald Trump, Pretoria pouvait exporter notamment des véhicules et des agrumes vers Washington sans taxes douanières grâce à l'AGOA, un accord commercial avec les Etats-Unis concernant plusieurs pays africains.
Cette loi américaine, qui arrive à échéance en septembre, est déjà remise en cause par les droits de douanes de 10% mis en place par l'administration Trump dans l'automobile. Surtout, l'Afrique du Sud est sous la menace de surtaxes douanières américaines de 32%, suspendues pour l'instant, comme pour tous les pays à l'exception de la Chine.
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