Acquittement partiel requis contre un ex-rebelle syrien jugé à Paris

L'accusation a requis lundi à Paris 10 ans de prison contre un ex-porte-parole d'un groupe rebelle syrien pour son rôle indirect dans des exactions commises en Syrie, mais a demandé qu'il soit acquitté du chef, plus lourd, de complicité de crimes de guerre.

Ces réquisitions mettent en exergue les difficultés inhérentes à la compétence universelle de la justice française, qui lui permet de juger de faits commis à l'étranger par des étrangers sur des étrangers. A fortiori quand il s'agit d'un pays comme la Syrie, en proie au désordre après 14 années de guerre civile.

Dans ce dossier, le Syrien, Majdi Nema, ancien membre du groupe rebelle salafiste Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), est jugé depuis le 29 avril devant la cour d'assises de Paris pour complicité de crimes de guerre et participation à une entente en vue de la préparation de crimes de guerre.

Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler et former à l'action armée des mineurs, entre 2013 et 2016.

Ecroué depuis son arrestation en janvier 2020 à Marseille, où il se trouvait pour un court séjour d'études, cet homme de 37 ans conteste les accusations, faisant notamment valoir qu'il oeuvrait comme porte-parole depuis la Turquie et ne peut donc pas être accusé de ces faits commis en Syrie.

Dans leur réquisitoire à deux voix, débuté vendredi, les avocates générales se sont employées à démontrer que Majdi Nema avait joué un rôle plus important que ce qu'il a voulu faire paraître aussi bien pendant l'instruction que pendant le procès.

"La défense s'est attachée à vous présenter un simple exécutant, qui n'aurait été que la vitrine d'un groupe, JAI, auquel on aurait caché tous les secrets cachés, tous les crimes inavoués", a déclaré Claire Thouault, l'une des deux représentantes du ministère public.

- "Soutien indéfectible" -

"Nous accusons Majdi Nema d'avoir apporté un soutien indéfectible, une caution intellectuelle, absolue, et une assistance opérationnelle déterminante" à JAI, via ses fonctions de porte-parole mais aussi ses fonctions politiques et militaires, a de son côté lancé l'autre avocate générale, Sophie Havard.

Or, ce groupe a "non seulement préparé, mais aussi commis de nombreux crimes de guerre", en perpétrant des atteintes volontaires à la vie, à l'intégrité physique ou psychique de personnes en violation des règles du droit humanitaire international, en procédant à des enlèvements et des séquestrations ou encore en recrutant des mineurs pour le combat, selon les magistrates.

A ce titre, elles ont demandé à ce que Majdi Nema soit jugé coupable de participation à une entente en vue de la préparation de crimes de guerre et qu'il soit condamné à une peine de 10 ans d'emprisonnement assortie d'une période de sûreté des deux tiers.

En revanche, elles ont requis son acquittement concernant sa complicité dans l'enrôlement de mineurs. Pour ce chef, qui lui fait encourir une peine de 20 ans d'emprisonnement, il faut établir quel était son "rôle concret" dans ce recrutement.

- "Témoignages indirects" -

Or, pour cet aspect, le dossier "repose sur des déclarations de témoins" qui ont "recueilli des confidences de leurs proches". Et, sans remettre en cause la "crédibilité de ces témoins", des "témoignages indirects et des renseignement anonymes" ne peuvent "suffire à fonder une décision de condamnation", ont-elles admis.

Le procès a été marqué par l'absence de nombreux témoins qui avaient été cités à la barre, certains craignant pour leur vie.

"Tout au long de cette procédure, la position du ministère public a été de mettre dans le débat les forces et les faiblesses d'un dossier particulièrement complexe pour aboutir à une vérité judiciaire", ont justifié les magistrates, soulignant néanmoins que des milliers de Syriens réclamaient que "justice leur soit rendue".

Plaidant, une fois n'est pas coutume, après les réquisitions, Me Marc Bailly, avocat de plusieurs parties civiles, a appelé la cour à retenir la complicité pour le recrutement de mineurs.

Majdi Nema "par ses actions, couvre le recours à des mineurs, et permet à JAI d'être perçu comme un groupe responsable" et de recevoir des financements, a-t-il estimé, décrivant un homme mû par un "opportunisme froid", "gage d'incertitude" sur son comportement à l'avenir.

La défense plaidera mardi et le verdict sera rendu mercredi.

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