Au procès d'un ex-rebelle syrien à Paris, la défense fustige une enquête "à rebours"

La défense de l'ex-porte-parole d'un groupe rebelle syrien, jugé depuis un mois à Paris pour son rôle dans des exactions commises en Syrie, a critiqué mardi une enquête "à rebours" et jugé que l'accusation avait "taillé un costume beaucoup trop grand pour lui".

Majdi Nema, un ancien membre du groupe salafiste Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), comparaît depuis le 29 avril devant la cour d'assises, en vertu de la compétence universelle de la justice française, pour complicité de crimes de guerre et participation à une entente en vue de la préparation de crimes de guerre.

Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler et former à l'action armée des mineurs entre 2013 et 2016.

Lui conteste les accusations portées à son encontre.

Lundi, le ministère public a demandé 10 ans de prison, dont deux tiers de sûreté, pour participation à une entente en vue de préparer des crimes de guerre, soit la peine maximale pour ce délit.

Il a toutefois requis son acquittement pour les faits de complicité de crimes de guerre, admettant que, sur cet aspect, le dossier reposait sur des "témoignages indirects et des renseignements anonymes" insuffisants pour "fonder une décision de condamnation".

"Il aura fallu cinq ans d'enquête" et plusieurs "semaines de débats pour comprendre ce qu'on reproche exactement à Majdi Nema", lance Me Romain Ruiz, un de ses deux avocats.

"On lui reproche d'avoir prêté sa voix et son image pour trouver des financements pour recruter ces mineurs et d'avoir participé à la formation sur certains camps", ajoute-t-il.

- Le "filet" de l'accusation -

Mais pour ce conseil, "le filet qui a été lancé contre lui par l'accusation est trop grand pour Majdi Nema".

Ce dernier a été arrêté en janvier 2020 à Marseille où il se trouvait pour un court séjour d'études, après avoir été repéré par des Syriens qui avaient déposé quelques mois auparavant une plainte au pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris contre JAI.

"Initialement, la plainte déposée par les parties civiles ne visait pas directement Majdi Nema", rappelle Me Ruiz, relevant qu'il n'apparaissait que dans une pièce jointe de la plainte, sous le numéro 86 d'un organigramme photographique.

"On s'est rabattu sur lui parce qu'il était là", poursuit l'avocat. Et "depuis qu'on s'est rabattu sur lui, on ne cesse de lui tailler un costume qui est beaucoup trop grand pour lui".

Son confrère, Me Raphaël Kempf, abonde dans le même sens : l'enquête est allée "à rebours". "On tombe sur quelqu'un de suspect et on essaie de construire autour de lui un dossier", estime-t-il.

En vertu du droit de la guerre, qui "donne le droit dans certaines conditions de faire usage de la violence", "le seul et unique fait d'appartenir à un groupe armé n'est pas en soi une infraction pénale", observe-t-il. "Seuls peuvent être punis de manière précise les crimes commis par des membres de ce groupe armé".

Or "personne n'est en capacité de dire qui est l'auteur du crime dont Majdi Nema était complice", fait valoir Me Ruiz. A ceux qui diraient que c'est le groupe JAI, ce conseil rétorque que "le droit pénal international ne permet pas de poursuivre une personne morale ou une entité non gouvernementale".

"On ne peut pas condamner un homme ou une femme pour un crime ou un délit commis par quelqu'un d'autre", note Me Kempf, qui fait par ailleurs valoir que Majdi Nema était un des rares membres de JAI à tenter de faire appliquer par ce groupe les règles du droit de la guerre.

"En acquittant Majdi Nema sur le crime et en le relaxant sur le délit connexe", "vous pourrez reconnaître la responsabilité de JAI sans emporter celle de Majdi Nema", plaide Me Ruiz. "Vous pourrez dire aux parties civiles que oui, elles ont été victimes de JAI, tout en disant que non, elles n'ont pas été victimes de Majdi Nema".

Verdict mercredi.

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