Un ex-rebelle syrien, jugé depuis un mois à Paris pour son rôle dans des exactions commises en Syrie entre 2013 et 2016, a redit mercredi son innocence avant que la cour d'assises ne se retire pour délibérer.
"Mes avocats ont dit ce que je voulais dire, que je suis innocent de toutes les accusations contre moi", a déclaré Majdi Nema, invité à s'exprimer pour dire ses derniers mots.
"Le destin d'une personne se trouve entre vos mains", a-t-il dit à l'adresse de la cour et des jurés. "Je veux vivre ma vie à nouveau", a ajouté l'accusé de 37 ans, qui est en détention provisoire depuis janvier 2020.
Cet ancien membre du groupe rebelle salafiste Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), dont il a été le porte-parole, est jugé depuis le 29 avril en vertu de la compétence universelle de la justice française, pour complicité de crimes de guerre et participation à une entente en vue de la préparation de crimes de guerre.
Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler et former à l'action armée des mineurs entre 2013 et 2016. Il n'a cessé de contester les accusations, que ce soit pendant l'instruction qu'au procès.
"J'aimerais bien sortir de prison, reprendre mes études et participer à la construction de mon pays qui s'est libéré pendant ma détention", a détaillé celui qui a été arrêté en janvier 2020 lors d'un court séjour d'études à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman de l'université Aix-Marseille (sud-est).
- "Rentrer en Syrie " -
Il a indiqué qu'il souhaitait "rentrer en Syrie" pour y "punir tous les responsables de la catastrophe", en répétant trois fois "peu importe leur appartenance".
"Ce que je voudrais c'est que vous fassiez la différence entre JAI et moi", a-t-il conclu.
Le verdict devrait être rendu dans plusieurs heures.
Lundi, le ministère public a demandé qu'il soit condamné à 10 ans de prison, dont deux tiers de sûreté, pour participation à une entente en vue de préparer des crimes de guerre, soit la peine maximale pour ce délit.
Les deux avocates générales l'ont accusé d'avoir "apporté un soutien indéfectible, une caution intellectuelle, absolue, et une assistance opérationnelle déterminante" à JAI, via ses fonctions de porte-parole mais aussi ses fonctions politiques et militaires.
Elles ont toutefois requis son acquittement pour le chef, bien plus lourd, de complicité de crimes de guerre, qui lui faisait encourir 20 ans d'emprisonnement, admettant que sur cet aspect le dossier reposait sur des "témoignages indirects et des renseignements anonymes" insuffisants pour "fonder une décision de condamnation".
Des réquisitions qui illustrent les difficultés inhérentes à la compétence universelle de la justice française, qui lui permet de juger de faits commis à l'étranger par des étrangers sur des étrangers.
Le procès a été marqué par l'absence de nombreux témoins qui avaient été cités à la barre par les parties civiles ou le ministère public, certains craignant pour leur vie, d'autres n'ayant pu obtenir de visas. De même, aucun témoin cité par la défense - des personnes vivant en Syrie ou en Turquie - n'a été entendu.
Une situation dénoncée tout au long du procès par les avocats de Majdi Nema, qui n'ont eu de cesse de fustiger la tentation "ethnocentriste" et la logique "colonialiste" de la justice française dans ce dossier.
Plaidant mardi son acquittement, ils ont par ailleurs critiqué une enquête menée à "rebours" et jugé que l'accusation avait "taillé un costume beaucoup trop grand" pour leur client.