17.01.13 - RWANDA/JUSTICE - L’OUVERTURE DU PROCES UWINKINDI REPORTEE MALGRE TROIS COMPARUTIONS CETTE SEMAINE

Arusha, 17 janvier 2013 (FH) - Environ un an après son renvoi au Rwanda, le procès du pasteur pentecôtiste Jean Uwinkindi peine toujours à démarrer. Cet ancien pasteur de campagne qui ne parle que le kinyarwanda, sa langue maternelle, est le premier accusé du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à avoir fait l’objet d’une décision de transfert vers la justice rwandaise.

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Poursuivi pour crimes de génocide et crimes contre l’humanité, le « révérend », 62 ans, est notamment accusé d’avoir fait massacrer des fidèles tutsis de sa paroisse de Kanzenze, dans l’est du Rwanda, en 1994. Le procureur lui reproche, entre autres, d’avoir été l’un des principaux organisateurs des massacres dans cette région dont il était le principal responsable de son église. Arrêté le 30 juin 2010 en Ouganda et transféré le surlendemain au centre de détention du TPIR à Arusha, en Tanzanie, il n’a cessé depuis lors de clamer son innocence.
 
« Requête en inconstitutionnalité »
 
Au cours de la semaine qui s’achève, l’homme d’église s’est présenté à trois occasions devant la justice de son pays sans que son procès, tant attendu, puisse s’ouvrir sur le fond. Lundi, en compagnie de son avocat Gatera Gashabana, Uwinkindi a fait deux comparutions. D’abord devant la Cour suprême au sujet d’une « requête en inconstitutionnalité » déposée par ses avocats devant la plus haute instance judiciaire du pays. La Cour suprême a reporté l’examen de la requête à lundi prochain, pour donner aux parties le temps d’échanger certains documents. Le même jour, le pasteur, qui a troqué son col de prêtre contre la tenue rose des prisonniers rwandais, s’est présenté devant la Haute Cour, la deuxième instance judicaire après la Cour suprême. Au rôle de la chambre présidée par la juge Alice Rulisa, était inscrit « ouverture du procès sur le fond ». Mais, Maître Gashabana, ancien bâtonnier de Kigali, a, d’emblée, demandé un report, en attendant que la Cour suprême statue sur sa requête en inconstitutionnalité. C’est mardi que la Haute cour a entendu les arguments des deux parties au sujet de cette demande de suspension. Dans leur décision rendue le lendemain, les juges ont suivi la défense dans son raisonnement et ont reporté sine die l’ouverture du procès sur le fond.
 
Joint au téléphone à Kigali, Me Gashabana s’est réjoui de la décision mais a refusé d’entrer dans le fond de la requête pendante devant la Cour suprême, qui est à l’origine de la suspension du procès devant la Haute cour. L’ancien bâtonnier a expliqué que sa requête n’était pas encore du domaine public. « J’aurai l’occasion de la plaider publiquement lundi. Je pourrai alors développer les arguments de la défense en long et en large », a-t-il dit, indiquant tout simplement qu’il contestait la constitutionnalité de la loi sur les transferts d’accusés en provenance du TPIR ou de pays tiers, texte servant de base aux poursuites engagées contre Uwinkindi. La Cour suprême est la seule compétente pour ce genre de requêtes.
 
Pas un chèque en blanc
Décidé en première instance le 28 juin 2011 et confirmée en appel le 16 décembre de la même année, le renvoi d’Uwinkindi devant les juges de ce son pays n’a été exécuté qu’en avril 2012, au terme d’une longue bataille judiciaire. Ce transfert, qui rentre dans le cadre de la stratégie de fin de mandat du TPIR appelé à déposer son bilan le 31 décembre 2014 au plus tard, n’est cependant pas un chèque en blanc. La procédure devant la justice rwandaise ainsi que les conditions de détention d’Uwinkindi doivent faire l’objet d’un monitoring par le TPIR ou, après sa fermeture, par le Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI). Il était prévu, dans la décision de renvoi, que ce travail de surveillance soit assuré par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Mais comme les négociations avec cet organe de l’Union africaine prenaient du retard, le TPIR a décidé d’y affecter deux membres de son personnel qui ont déjà déposé plusieurs rapports. Dans une de ses évaluations, un de ces observateurs, Anees Ahmed, s’était fait l’écho, en octobre dernier, des soucis de la défense. Me Gashabana et son adjoint disaient n’avoir pas reçu du gouvernement les fonds nécessaires pour leur travail dans cette affaire. Les moyens sont là, avait rétorqué le procureur général Martin Ngoga, appelant ses contradicteurs à soumettre leurs programmes de travail à l’approbation des juges.
 
ER/JC