27.02.13 - CPI/GBAGBO - LA COUR SE PENCHE SUR LES CRIMES EN COTE D’IVOIRE

La Haye, 27 février 2013 (FH) – Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a tenté de défendre son dossier contre Laurent Gbagbo lors des audiences de confirmation des charges, ouvertes le 19 février. L’accusation demande aux juges de renvoyer l’ex-président ivoirien en procès pour crimes contre l’humanité commis suite à l’élection présidentielle de décembre 2010.

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Pour le procureur, Laurent Gbagbo et ses proches, dont son épouse, Simone, auraient mis en œuvre une politique criminelle dans l’objectif de rester au pouvoir. Suite au scrutin présidentiel de décembre 2010, les Nations unies avaient validé l’élection d’Alassane Ouattara, contestée par le chef d’Etat sortant. A l’ouverture des audiences le 19 février, la procureure Fatou Bensouda, a mis en garde contre toute politisation du procès. « Il ne s’agit pas de déterminer qui a gagné ou perdu les élections », a-t-elle rappelé aux juges. « Si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que des atrocités ont été commises à grand échelle contre la population ivoirienne », a-t-elle dit. Selon l’Onu, près de 3000 personnes auraient été tuées. Mais dans son dossier, le procureur évoque les « seuls » meurtres d’au moins 166 personnes, sur quatre scènes de crimes. La répression d’une marche des partisans d’Alassane Ouattara vers la Radio-télévision ivoirienne (RTI), le 16 décembre 2010, celle d’une manifestation de femmes à Abobo, quartier du nord d’Abidjan, en mars 2011 puis le bombardement du marché de Siaka Koné et enfin le massacre de Yopougon, au lendemain de l’arrestation de Laurent Gbagbo dans la résidence présidentielle le 11 avril 2011. Pour défendre sa thèse, le procureur s’appuie sur les témoignages de plusieurs « insiders », et sur des pièces saisies dans la résidence de Laurent Gbagbo suite à son arrestation, dont l’agenda de son épouse, sur lequel elle aurait notamment inscrit : Il faut « nettoyer nos forêts et nettoyer nos champs », que le procureur Gilles Dutertre lit comme « des appels à éliminer les partisans d’Alassane Ouattara ». S’appuyant sur un courrier saisi, lui aussi, à la résidence de Laurent Gbagbo, le procureur affirme qu’il aurait réagi aux résultats des élections en « recrutant des mercenaires » du Libéria, placés ensuite sous le contrôle des Forces de défense ivoiriennes (FDS), tout comme les Jeunes patriotes de Charles Blé Goudé. « Ils ont constitué les éléments les plus violents » à l’intérieur des FDS, assène le procureur. Près de 7000 volontaires auraient été recrutés, armés et formés, selon l’accusation. Pour la défense, le procureur fait « un récit biaisé » des événements, sur la base « d’une enquête bâclée ». Pendant trois jours, les avocats de l’ancien chef d’Etat se sont attachés à démonter la thèse de l’accusation, accusant le procureur de « se fourvoyer » en refusant de « se pencher en profondeur sur les fondements » de la crise de 2010. « Ici ne se trouve que le président Gbagbo, pourquoi ? », a demandé maître Emmanuel Altit, pour qui « tout se passe comme si le procureur avait été convaincu qu’il n’y avait qu’un responsable au drame que connaît la Côte d’Ivoire. » En autorisant le procureur à ouvrir une enquête, en octobre 2011, les juges, eux-mêmes, avaient invité l’accusation à se pencher sur les événements survenus depuis la tentative de coup d’Etat de septembre 2002, attribuée au camp Ouattara. Pendant plusieurs heures, Jennifer Naouri, également de la défense, a détaillé les crimes commis par les partisans d’Alassane Ouattara depuis 2002, affirmant notamment qu’ils ont été armés et entraînés par l’armée française. « Il va falloir qu’on arrive à faire le lien avec les charges », a demandé le substitut du procureur Eric Mc Donald. Pour la défense, l’histoire des rebelles d’Alassane Ouattara montre qu’en 2010, « on était en présence de deux corps d’armée ». Dès lors, Laurent Gbagbo n’a pas attaqué des civils, mais devait affronter une armée de rebelles dans le cadre d’un conflit interne. La défense de Laurent Gbagbo a ensuite critiqué la qualité de l’enquête, qualifiant de « brouillon » le document énonçant les charges du procureur. « Il y a des arguments juridiques plus forts ! », s’est objecté Eric Mc Donald, regrettant qu’on se lance dans « une bataille de ruelles ». Revenant sur chacun des sites de crimes référencés par l’accusation, les avocats de Laurent Gbagbo ont tenté de démontrer que les manifestations réprimées n’avaient rien de pacifique. Les audiences prendront fin jeudi, mais la décision ne sera pas rendue avant plusieurs semaines. SM/ER/JL