La Cour de cassation examine vendredi la validité d'un mandat d'arrêt visant Bachar al-Assad

La Cour de cassation examine vendredi la validité d'un mandat d'arrêt pour complicité de crimes contre l'humanité visant le président syrien déchu Bachar al-Assad, émis par deux juges d'instruction français mais contesté par le parquet antiterroriste (Pnat) en raison de l'immunité personnelle dont bénéficie un chef d'Etat.

La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français se réunira en assemblée plénière, sa formation la plus solennelle, convoquée pour trancher les plus importantes questions de droit.

L'audience publique débutera à 09H30 et sera filmée, puis diffusée à 14H00 sur le site de la Cour.

Deux juges d'instruction du pôle crimes contre l'humanité du tribunal de Paris avaient émis, en novembre 2023, un mandat d'arrêt international contre Bachar al-Assad pour les attaques chimiques imputées à son régime le 5 août à Adra et Douma (450 blessés), puis le 21 août 2013 dans la Ghouta orientale.

Plus de mille personnes ont été tuées par du gaz sarin dans ces attaques, selon les renseignements américains.

Les magistrats, qui enquêtent depuis 2021 sur la chaîne de commandement après une plainte, avaient également émis un mandat d'arrêt contre deux généraux et le frère de l'ex-président, Maher al-Assad, chef de facto de la 4e division blindée syrienne.

Tout en considérant "vraisemblable" la participation de Bachar al-Assad à ces attaques, le Pnat avait contesté le mandat d'arrêt le visant, au nom de l'immunité absolue dont jouissent les chefs d'Etat en exercice devant les tribunaux de pays étrangers.

Pour les parties civiles, au contraire, des exceptions peuvent faire tomber cette immunité.

- Assad renversé -

La chambre de l'instruction a suivi cette position en juin 2024 et validé ce mandat pour complicité de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre.

Les juges avaient rappelé l'interdiction des armes chimiques par le droit international et estimé que les crimes dénoncés "ne peuvent être considérés comme faisant partie des fonctions officielles d'un chef de l'Etat".

Ils avaient également souligné qu'il paraissait "évident que la Syrie ne poursuivra jamais Bachar al-Assad pour ces crimes, qu'elle ne renoncera jamais d'elle-même à l'immunité personnelle de son président, et où aucune juridiction internationale n'est compétente, la Syrie n'étant pas partie au statut de Rome", qui a créé la Cour pénale internationale (CPI).

Le parquet général de la cour d'appel de Paris avait formé un pourvoi pour que soit tranchée la question de l'immunité personnelle des chefs de l'Etat en exercice concernant les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.

Le contexte géopolitique a depuis changé: Bachar al-Assad a été renversé en décembre par une coalition menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS). L'ex-dictateur syrien, qui a succédé en 2000 à son père, Hafez al-Assad, à sa mort, s'est réfugié en Russie.

Les parties civiles s'interrogent sur le maintien du pourvoi du parquet général alors que l'ex-dictateur syrien "ne peut plus se prévaloir de l'immunité personnelle dont il bénéficiait".

- Procédures "en péril" -

La décision de la Cour de cassation, attendue dans quelques semaines, "pourrait marquer un tournant dans l'imputabilité des crimes les plus graves et constituer une étape importante pour les victimes des attaques chimiques", considèrent Jeanne Sulzer et Clémence Witt, avocates de victimes et d'ONG parties civiles, dont Syrian Archive et Civil Rights Defenders.

Dans un dossier distinct, Bachar al-Assad est visé depuis janvier par un autre mandat d'arrêt délivré par deux juges d'instruction parisiennes, pour complicité de crime de guerre, pour le bombardement d'une zone d'habitations civiles imputé au régime à Deraa (sud-ouest) en 2017.

La Cour de cassation examinera aussi vendredi le pourvoi de l'ancien gouverneur de la Banque centrale syrienne de 2005 à 2016, Adib Mayaleh, qui conteste sa mise en examen en France au nom d'une immunité fonctionnelle.

"Si la Cour estime que les immunités fonctionnelles s'appliquent même en présence de crimes internationaux, cela pourrait mettre en péril nombre de procédures ouvertes devant le pôle crimes contre l'humanité français, qu'il s'agisse de poursuites contre des soldats de bas rang ou des très hauts dignitaires", a souligné auprès de l'AFP Chloé Pasmantier, avocate dans cette affaire de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et du Centre syrien pour les médias et la liberté d'expression, ainsi que de victimes d'attaques chimiques.

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