La justice française a demandé vendredi le maintien du mandat d'arrêt visant l'ex-président syrien Bachar al-Assad pour des attaques chimiques en 2013, lors d'une audience sur l'immunité personnelle dont bénéficie un chef d'Etat étranger.
La décision sera rendue le 25 juillet en audience publique.
Le procureur général près la Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, s'était réunie en assemblée plénière, sa formation la plus solennelle, pour trancher une importante question de droit qui fera jurisprudence : existe-t-il des exceptions à l'immunité personnelle d'un chef d'Etat étranger s'il est soupçonné de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité ?
Oui, avait répondu la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris qui a validé en juin 2024 le mandat d'arrêt.
Un mandat contesté par le parquet national antiterroriste (Pnat) et le parquet général de la cour d'appel de Paris au nom de l'immunité absolue dont jouissent les chefs d'Etat en exercice devant les tribunaux de pays étrangers.
Deux juges d'instruction parisiens avaient émis, en novembre 2023, un mandat d'arrêt pour complicité de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre contre Bachar al-Assad pour les attaques chimiques imputées à son régime en août 2013 à Adra et Douma (450 blessés), puis dans la Ghouta orientale, ayant fait plus de mille morts.
La cour d'appel avait estimé que les crimes dénoncés "ne peuvent être considérés comme faisant partie des fonctions officielles d'un chef de l'Etat".
Mais, "cette analyse (...) ne peut être admise", a relevé le procureur général près la Cour de cassation Rémy Heitz, eu égard à "la souveraineté" et à "l'égalité" des Etats qui "impose qu'aucun Etat n'impose son ascendant sur un autre" par la voie judiciaire.
Néanmoins, Rémy Heitz a proposé à la Cour "une troisième voie" consistant à écarter l'immunité personnelle de Bachar al-Assad parce qu'il n'était plus considéré par la France comme le "chef d'Etat légitime en exercice" de la Syrie lors de la délivrance du mandat d'arrêt.
"Ce sont les crimes de masse commis par le pouvoir syrien qui ont conduit la France à rendre cette décision inusuelle" de "déreconnaissance" de la légitimité de Bachar al-Assad dès 2012, a exposé le procureur général.
Un autre pourvoi concernait l'immunité fonctionnelle dont se prévaut un ancien gouverneur de la Banque centrale syrienne et ex-ministre de l'Economie, Adib Mayaleh, pour contester son inculpation en France pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.
L'avocate générale, Sonia Djemni-Wagner, a demandé le rejet de ce pourvoi.