La Cour internationale de justice a rendu mercredi un avis inédit sur les obligations des États en matière climatique, reconnaissant que leurs manquements peuvent constituer un acte "illicite" selon le droit international et ouvrant la voie à des réparations en faveur des pays les plus lésés.
Voici les citations les plus marquantes du discours du juge Yuji Iwasawa, président de la CIJ, qui a fait lecture de l'avis pendant deux heures.
Sur les conséquences du changement climatique
"La Cour constate que les conséquences des changements climatiques sont graves et profondes. Elles affectent tant les écosystèmes naturels que les populations humaines. Ces conséquences mettent en évidence la menace urgente et existentielle que représentent les changements climatiques".
"Les effets néfastes des changements climatiques sont susceptibles de compromettre sensiblement la jouissance effective de certains droits de l'homme, tels que le droit à la santé, le droit à un niveau de vie adéquat qui inclut quant à lui l'accès à l'alimentation, à l'eau et au logement".
"La Cour considère que la pleine jouissance de ces droits ne peut être assurée sans la protection du système climatique et d'autres composantes de l'environnement" et qu'à cet égard, les États "sont tenus de prendre les mesures nécessaires".
Sur les engagements climatiques des États
"L'obligation d'établir et de publier des programmes nationaux" de réduction des gaz à effet de serre, comme prévus par l'ONU, "sont des obligations de résultats".
"La Cour juge nécessaire de rappeler que" les engagements pris par les États "sont juridiquement contraignant(e)s" et "peuvent engager la responsabilité de l'État qui manque à les respecter".
"Le plafond de 1,5°C représente le principal objectif de température à atteindre convenu par les parties pour limiter la hausse de température moyenne mondiale en vertu de l'Accord de Paris", ce qui relègue au second plan l'autre objectif qui est de limiter le réchauffement "bien en-dessous de 2°C".
Sur l'obligation d'agir et les fossiles
"La Cour considère que les traités relatifs au changement climatique mettent à la charge des États des obligations strictes de protéger le système climatique et d'autres composantes de l'environnement contre les émissions anthropiques" de gaz à effet de serre.
"Le fait pour un État de ne pas prendre les mesures appropriées pour protéger le système climatique contre les émissions de gaz, notamment en produisant ou en utilisant des combustibles fossiles ou en octroyant des permis d'exploration ou des subventions pour les combustibles fossiles, peut constituer un fait internationalement illicite attribuable à cet État".
La Cour "est d'avis qu'une violation de l'une quelconque des obligations" des États sur la protection du climat "constitue (...) un fait internationalement illicite engageant sa responsabilité".
"En droit international coutumier, l'État responsable d'un fait internationalement illicite est tenu d'y mettre fin".
Sur la réparation des dommages
"Les conséquences juridiques résultant de la commission d'un fait internationalement illicite peuvent inclure [...] la réparation intégrale du préjudice subi par les États lésés sous forme de restitution, de compensation et de satisfaction, sous réserve qu'il soit satisfait aux conditions générales prévues par le droit de la responsabilité de l'État, notamment qu'un lien de causalité suffisamment direct et certain puisse être établi entre le fait illicite et le préjudice subi."
La Cour précise "que si le lien de causalité entre les actions ou omissions illicites d'un État et les dommages résultant des changements climatiques est plus ténu que lorsqu'il s'agit d'une pollution ayant des origines locales, il n'est cependant pas impossible à établir".