Kenya : après les manifestations, de nouveaux candidats pour la présidentielle de 2027, aux maigres chances de succès

Un célèbre militant des droits humains et un ex-président de la Cour suprême se sont récemment déclarés candidats à la présidentielle de 2027 au Kenya, après des manifestations anti-gouvernementales réprimées dans le sang. Mais leurs chances de succès sont maigres, selon des analystes.

Le président William Ruto a vu sa popularité s'effondrer depuis son arrivée au pouvoir en 2022, en raison notamment de la morosité économique, de la corruption endémique, des brutalités policières et d'enlèvements ayant ciblé les critiques du gouvernement.

Mais il est resté inébranlable face aux manifestants réclamant sa démission mi-2024, puis à nouveau ces derniers mois. Alors que des centaines de contestataires ont trouvé la mort sous le feu des forces de l'ordre ou sont portés disparus, il a même appelé les policiers à tirer dans les jambes d'éventuels pillards.

Dans l'opposition, beaucoup cherchent donc de nouvelles personnalités capables de le défier en 2027. Comme Boniface Mwangi, un célèbre militant des droits humains de 42 ans, qui s'est déclaré mercredi, promettant de ne pas s'allier à "quiconque est contaminé" par le régime actuel.

"Comment avons-nous pu élire des gens accusés de crimes contre l'humanité à la tête" du Kenya?, s'est-il interrogé, en référence aux poursuites de la Cour pénale internationale (CPI) contre l'actuel chef de l'État pour son implication dans les violences postélectorales de 2007-2008, qui avaient fait plus de 1.100 tués et des centaines de milliers de déplacés.

- Répression -

Les poursuites contre M. Ruto avaient finalement été abandonnées par la CPI en 2016, après ce qui avait été dénoncé comme une campagne d'intimidation des témoins.

Boniface Mwangi, qui appelle à une "révolution électorale", se présente comme l'antithèse du président kényan. Il dénonce les pots-de-vins versés dans le monde politique kényan et l'argent distribué aux électeurs lors des campagnes électorales.

Outre William Ruto, il devrait trouver face à lui l'ancien président de la Cour suprême David Maraga, 74 ans, sorti de sa retraite en juin pour annoncer sa candidature.

Lors d'une récente interview à l'AFP, il a raconté s'être senti poussé à se déclarer par la répression violente des manifestants, sous la houlette de l'exécutif. La police des polices kényane a elle-même fait état de 65 tués lors des rassemblements en juin et juillet derniers, épinglant "un recours disproportionné à la force".

"Ce que j'ai vu m'a horrifié", a affirmé David Maraga, dénonçant des dirigeants "qui ne veulent pas respecter la loi".

Lui-même s'est fait un nom en 2017 lorsque la Cour suprême qu'il présidait avait annulé les résultats de l'élection présidentielle en raison d'"irrégularités et d'illégalités" - une décision sans précédent en Afrique. Mais il est critiqué pour son manque de charisme, dommageable en politique.

"Je suis prêt à entrer dans cet environnement trouble", a-t-il toutefois confié. "À quoi sert une bonne réputation pour moi si (...) je vois mon pays dégringoler et je vois les jeunes se faire tuer, se faire kidnapper ?"

- Marigot politique -

Le président se dit serein face à une opposition dont "le seul plan est que +Ruto doit partir+", avait-il lancé en juin, en plein mouvement de contestation.

Lui-même, navigant dans le paysage politique kényan depuis des décennies, en connaît ses fondements, notamment les promesses financières à son électorat et la mobilisation sur des bases tribales.

En 2022, il s'était ainsi associé à Rigathi Gachagua, dont il avait fait son vice-président, car celui-ci disposait d'un énorme vivier d'électeurs dans sa région du Mont Kenya (centre).

Destitué en 2024 pour des menaces proférées envers des juges et des pratiques politiques de division ethnique, et encore inéligible pour ces faits - ce qu'il conteste devant la justice kényane - , Rigathi Gachagua se veut le principal concurrent du président en 2027.

Car si les manifestations de 2024 et 2025 ont montré que des jeunes urbains veulent s'affranchir du vote tribal, "la culture ne change pas du jour au lendemain", et aucun candidat "ne peut séduire le marché politique de masse sans le segmenter en blocs ethniques", explique l'analyste Kaburu Kinoti à l'AFP.

MM. Mwangi et Maraga auront même du mal à rester intègres car "notre système est en réalité conçu pour corrompre les gens", la prévarication étant omniprésente à tous les niveaux de la fonction publique et plus encore en politique, où elle est même attendue des politiciens, selon le caricaturiste politique Patrick Gathara.

Pour lui, la clé de l'avenir du Kenya ne peut venir que des citoyens. Car, dit-il, "le changement ne vient jamais de l'intérieur."

mnk/er/jf/mba

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