Un juge du tribunal chargé de juger les crimes commis durant plus de 60 ans de conflit armé dans en Colombie, a estimé auprès de l'AFP "compréhensible" les mécontentements exprimées par plusieurs victimes, après la condamnation mardi d'anciens chefs de guérillas à des peines de travaux d'intérêt général pour des milliers d'enlèvements.
Sept membres de la direction des anciennes Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), ont été reconnus coupables de plus de 21.000 enlèvements et condamnés mardi par la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) à des restrictions de mobilité et à l'obligation de mener des actions à la mémoire des victimes.
Ils écopent de la peine maximale, conformément à l'accord de paix de 2016 ayant conduit au désarmement des Farc et à leur transformation en parti politique, mais échappent à la prison. Equipés de dispositifs électroniques pour leur surveillance, ils devront collaborer pendant huit ans à la recherche des milliers de personnes encore disparues et participer à des processus de déminage dans les territoires où ils opéraient.
L'enlèvement le plus emblématique durant cette période est celui de l'ancienne candidate à la présidence, la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, séquestrée dans la jungle pendant six ans.
Après l'annonce du jugement, Mme Betancourt, 63 ans, a dit à l'AFP s'être "sentie indignée, humiliée, flouée", dénonçant "un parti pris en faveur des Farc". Elle a annoncé, comme d'autres victimes estimant la sentence contre leurs anciens geôliers pas assez sévère, vouloir se tourner vers des instances internationales comme la Cour pénale internationale.
"Il est absolument compréhensible qu'il y ait des victimes mécontentes" parce que "ce sont des crimes impossibles à réparer", a déclaré mercredi dans un entretien à l'AFP le juge Camilo Suárez.
"Ecouter individuellement" quelque 4.300 personnes reconnues victimes par le tribunal d'enlèvement et de séquestration par les Farc "est terriblement difficile, presque impossible", s'est défendu le magistrat.
Les sept anciens chefs des Farc, qui avaient reconnu en 2022 leur responsabilité, ont assuré qu'ils respecteraient "l'objectif de réparer la société colombienne". "Les enlèvements sont un fardeau moral qui pèsera sur nos épaules pendant de nombreuses années", ont-ils déclaré dans un communiqué.
L'ONU a qualifié ce jugement d'"étape importante dans le processus de paix".
Mouvement paysan d'inspiration communiste né dans les années 30 et 40 pour l'obtention d'une réforme agraire face aux grands propriétaires terriens, les Farc, autrefois la guérilla la plus puissante d'Amérique du Sud, ont accepté de déposer les armes en 2016 après plus de quatre années de pourparlers.
L'ex-président colombien de centre-droit Juan Manuel Santos (2010-2018) a été récompensé du prix Nobel de la paix.