"L'esprit du samouraï": les ultranationalistes japonais sentent le vent tourner dans leur direction

Au volant de leurs fourgons diffusant des slogans pour le 84e anniversaire de l'attaque de Pearl Harbor, les membres du groupe ultra-nationaliste Taikosha voient leurs messages patriotiques paraître soudain moins marginaux au Japon, portés par le virage à droite de la Première ministre Sanae Takaichi.

Depuis son élection en octobre, cette ultra-conservatrice a engagé un bras de fer avec la Chine, prépare de nouvelles règles concernant les étrangers et veut interdire la profanation du drapeau japonais.

Son parti anti-immigration, Sanseito, a également obtenu des succès électoraux avec le slogan "Les Japonais d'abord".

Taikosha ne compte qu'une centaine de membres, pour la plupart des hommes de plus de cinquante ans.

Certains ont défilé lundi en uniforme militaire au sanctuaire Yasukuni, honorant les soldats morts dans les conflits menés par le Japon, mais aussi des officiers et hommes politiques condamnés pour crimes de guerre après la Seconde Guerre mondiale.

"Nous sommes un groupe qui a le courage de ses convictions. Pas du tout comme ces gens qui sautent dans le train du populisme", dit à l'AFP Naoto Ozawa, 52 ans, l'un des responsables de Taikosha.

"Je dirais que l'époque nous a enfin rattrapés. Cela fait 40 ou 50 ans que nous disons cela", ajoute-t-il en référence à la plateforme "Les Japonais d'abord".

- "Un Japon centré sur l'empereur" -

Ils n'apprécient pourtant guère Mme Takaichi --qui fréquentait régulièrement le même sanctuaire Yasukuni avant d'accéder aux responsabilités et a déjà exprimé des points de vue révisionnistes.

"Nous l'acceptons simplement", souffle Hitoshi Marukawa, 63 ans, le président du groupe, car elle incarne selon lui "la politique d'une nation vaincue".

Leur idéal? "Un Japon centré sur l'Empereur".

Fondé il y a 101 ans, Taikosha se revendique comme l'une des plus grandes organisations d'extrême droite du pays.

Quand ils ont défilé au sanctuaire Yasukuni d'un pas parfois désordonné, en brandissant le "drapeau du soleil levant", symbole du militarisme japonais en Asie, ils se sont inclinés profondément vers le palais impérial.

Puis ils ont embarqué dans des camionnettes noires couvertes de slogans comme "L'esprit du samouraï", dont les haut-parleurs crachaient des messages sur la "libération" d'une "nation vaincue".

L'excitation est montée d'un cran près de l'ambassade de Russie, alors que le différend territorial entre Tokyo et Moscou concernant des îles empêche la signature d'un traité de paix d'après-guerre.

"Dehors!" ont hurlé les manifestants.

- Liens avec les yakuzas -

Malgré l'évolution récente du Japon, Taikosha peine à recruter. Finie l'époque où la sous-culture des "bosozoku", les gangs de motards adolescents rebelles, fournissait un vivier de recrues prêtes à en découdre avec la police anti-émeute.

Le directeur général de Taikosha Gasho Murata, aujourd'hui employé de bureau, est lui-même ancien bosozoku.

"À l'époque, des gars comme moi devenaient soit militants d'extrême droite, soit yakuza", se souvient-il, lunettes noires sur le nez.

Mais les bosozoku ont quasiment disparu et les plateformes anonymes sur internet nourrissant des idées nationalistes se sont multipliées, réduisant l'appétit pour l'activisme hors-ligne.

Les autorités considèrent ces organisations comme des "sociétés politiques", mais aussi étroitement liées au milieu criminel.

Beaucoup "maintiennent des relations étroites avec des forces du crime organisé", les "organisations yakuzas se faisant parfois passer pour des groupes d'extrême droite", selon un rapport de l'Agence nationale de la police en 2020.

"Nous avons bien sûr des relations" avec les yakuzas, admet M. Marukawa, niant toutefois que ses membres en fassent partie.

Qualifiant les yakuzas de parangons de la "voie de l'homme", Murata affirme: "Leur chemin et celui des militants d'extrême droite sont finalement les mêmes. C'est l'esprit du samouraï."

"Quand, enfant, j'ai vu pour la première fois les camionnettes de Taikosha, ces hommes me semblaient des héros", raconte un livreur de 33 ans nommé Sato, l'un des plus jeunes membres.

"J'aime tellement le Japon que je ne suis jamais allé à l'étranger."

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