OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : justice au Rwanda, blocages au Burundi

La semaine de la justice transitionnelle : justice au Rwanda, blocages au Burundi©Graham Holliday
Léon Mugesera devant le tribunal à Kigali 2012
1 min 50Temps de lecture approximatif

 

Après la rafale de verdicts et de décisions dans le domaine de la justice transitionnelle au début du mois, Bemba, Karadzic, Seselj, Ruto, la semaine a été plus calme.

Il reste que la justice rwandaise a rendu vendredi son verdict dans l’affaire de l’universitaire Léon Mugesera, un ancien responsable du parti du président assassiné Juvénal Habyarimana, qui avait été extradé par le Canada en 2012. Mugesera a été condamné à Kigali à la réclusion à perpétuité pour incitation au génocide des Tutsi en 1994. Mugesera, un linguiste qui avait au cours de son procès nié toutes les accusations formulées contre lui et argué qu'il vivait déjà au Canada lorsque le génocide a débuté, a immédiatement fait appel de ce verdict. Les juges ont reproché à l'accusé, 63 ans, un discours anti tutsi prononcé en 1992 à l'occasion d'un rassemblement de son parti. Les magistrats ont estimé que ce discours était un des éléments qui avaient amorcé le génocide: les Tutsi y étaient traités de "cafards" et les Hutu encouragés à les tuer. Ce verdict montre que le Rwanda a su administrer la justice que ce soit avec ses tribunaux réguliers ou ad hoc, les Gacaca.

Au Burundi voisin, au contraire, l’accalmie n’est qu’apparente comme l’explique le professeur André Guichaoua dans un article co-publié par The Conversation et JusticeInfo.net,. Guichaoua reconnaît : « L’ordre règne donc, pour l’essentiel, à Bujumbura et cette performance ne doit pas être sous-estimée».

Mais, le professeur à Paris 1 décrit une « population sous le choc ». Qui , après trente ans de régime militaire et dix de guerre civile, pensait s’être émancipée des ségrégations ethniques et des exclusives politiques et imaginait bénéficier enfin d’une paix durable dans un cadre démocratique et pluraliste stable ». Dans son article, l’universitaire met en garde : « Ce serait faire injure à ce peuple d’imaginer qu’il puisse renoncer durablement à ces conquêtes chèrement payées du seul fait de l’obstination d’une équipe présidentielle à se maintenir au pouvoir au terme des échéances constitutionnelles. »

Au Burundi, tous les processus de réconciliation et de transition sont au point mort. Ce que décrit très bien une lettre ouverte intitulée « que reste-t-il de la liberté de penser au Burundi ? ». Les auteurs des enseignants et universitaires engagés au Burundi s’expliquent  : « Les mots sont nos principaux outils de travail, ils peuvent sembler dérisoires dans un contexte où les armes dominent, mais ce sont des mots et non des armes que viendront des solutions ».

Des mots que pourraient partager notre collègue de Radio Ndeke Luka Jean-Pierre Ngarassouma attaqué lundi ainsi que sa famille parce qu’il témoignait sur les exactions des milices en mal d’un désarmement maintes fois promis mais jamais réalisé.