Des milliers de Syriens évacués d'Alep, l'ONU vote l'envoi d'observateurs

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Des milliers de Syriens traumatisés ont quitté lundi l'enclave rebelle assiégée d'Alep, une évacuation qui a favorisé un rare vote unanime à l'ONU sur la supervision par des observateurs de cette opération humanitaire complexe.

Encouragé par ces développements, l'émissaire des Nations unies Staffan de Mistura a annoncé "l'intention de l'ONU de convoquer des négociations à Genève le 8 février" entre les parties syriennes -régime et opposition- en vue d'un règlement politique du conflit.

Ces signaux positifs ont été néanmoins en partie éclipsés par l'assassinat à Ankara de l'ambassadeur de Russie en Turquie par un homme armé, présenté comme un policier turc, qui a évoqué une "vengeance" pour Alep.

La deuxième ville de Syrie, soumise un mois durant à un déluge de feu par le régime, est en passe d'être reprise totalement par les forces du président Bachar al-Assad avec le soutien crucial de l'allié russe.

Assiégés pendant plus de quatre mois, des milliers de Syriens ont été évacués toute la journée.

Selon Ingy Sedky, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les évacuations vont se poursuivre toute la nuit. "Il reste encore des milliers" de personnes à faire sortir, "beaucoup de monde, dont des femmes et des enfants". Quarante bus attendent côté rebelle.

Avant la reprise des convois d'évacuations à l'aube, des familles entières ont dû attendre pendant des heures et par un froid glacial dans les ruines de bâtiments détruits par les bombes l'arrivée des bus.

Quelque 7.000 personnes ont été ensuite transférées d'Alep vers la localité sous contrôle rebelle de Khan al-Assal, plus au nord, a dit Mme Sedky.

 

- 'Ils ont vécu l'enfer'! -

 

A Khan al-Assal, des familles emmitouflées dans plusieurs couches de manteaux sont descendues des bus et se sont rassemblées à même le sol sur un terrain sale, pendant que des humanitaires leur distribuaient des bouteilles d'eau. 

Ces gens "avaient dû attendre plus de 16 heures" à un check-point du régime sans pouvoir sortir des véhicules, a indiqué Ahmad al-Dbis, chef d'une unité de médecins et de volontaires. "Ils n'avaient pas mangé, n'avaient rien à boire, les enfants avaient pris froid et ils n'avaient pas même pu aller aux toilettes".

"Les gens que nous accueillons ont vécu l'enfer, le niveau de traumatisme qu'ils ont subi est impossible à décrire ou à comprendre", a expliqué Casey Harrity de l'ONG internationale Mercy Corps.

L'opération d'évacuation a débuté jeudi aux termes d'un accord entre la Russie et la Turquie, soutien de l'opposition armée, mais elle a été suspendue pendant le week-end après des accusations de violation de cet accord par les rebelles.

Au total, au moins 14.000 personnes, dont 4.000 insurgés, ont déjà quitté le réduit rebelle en direction d'autres zones insurgées du Nord, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Il reste au moins 7.000 personnes dans l'enclave rebelle totalement ravagée après la dernière offensive aérienne et terrestre lancée le 15 novembre par le régime Assad et ses alliés.

Parmi les personnes évacuées figure Bana al-Abed, sept ans, devenue célèbre pour ses tweets sur l'enfer quotidien dans Alep parfois comparée à Guernica ou Sarajevo. Elle et sa famille doivent être accueillies dans un camp de déplacés de la province d'Idleb (nord-ouest), contrôlée en quasi-totalité par les insurgés et voisine de celle d'Alep.

 

- Négociations le 8 février? -

 

En échange des évacuations d'Alep, 500 personnes ont pu quitter deux localités chiites prorégime assiégées par les rebelles dans la province d'Idleb, selon l'OSDH.

Une fois les évacuations terminées à Alep, le régime Assad devrait proclamer la "libération" de la ville, son plus important succès dans la guerre qui a fait plus de 310.000 morts depuis mars 2011.

A l'initiative de la France, le Conseil de sécurité a voté à l'unanimité une résolution prévoyant le déploiement rapide à Alep du personnel humanitaire de l'ONU déjà présent en Syrie pour surveiller les évacuations. Un premier signe d'unité depuis des mois entre les grandes puissances mondiales sur le conflit.

Avec cette résolution, l'objectif de la France est "d'éviter un nouveau Srebrenica", ville de Bosnie où fut commis en 1995 le pire massacre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a dit l'ambassadeur français, François Delattre, alors que l'ONU et des ONG internationales avaient fait état d'atrocités qu'aurait commises le régime dans les secteurs reconquis à Alep.

Selon l'ambassadrice des Etats-Unis Samantha Power, 118 employés de l'ONU se trouvent actuellement à Alep-Ouest et pourront donc être rapidement déployés dans les quartiers concernés. "Notre objectif, c'est immédiatement".

Pour le président français François Hollande, l'adoption de la résolution "doit ouvrir la voie au cessez-le-feu et à la négociation de la solution politique".

Dans ce contexte, M. de Mistura a annoncé son intention de convoquer des négociations intersyriennes le 8 février à Genève, mais on ignorait dans l'immédiat les éventuelles réponses des principaux protagonistes.

Entretemps, il "suivra avec intérêt" la rencontre prévue mardi à Moscou entre les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de Russie, d'Iran et de Turquie, pour des discussions sur le conflit très complexe où sont impliqués de multiples belligérants soutenus par différentes puissances régionales et internationales.