Ian Smillie, expert canadien de l’industrie du diamant, est le premier des 144 témoins de l’accusation.
Outre le procès de l’ancien chef d’état, le premier intenté par des juges internationaux à l’encontre d’un président africain, ce procès sera aussi celui du trafic illégal de diamants, selon le procureur, qui espère démontrer que Charles Taylor a voulu « s’emparer des richesses diamantifères » de la Sierra Leone.
La principale difficulté du procureur sera de démontrer les liens entre le chef d’état du Libéria et la guerre conduite dans le pays voisin. Pour le procureur, Charles Taylor avait utilisé ses supplétifs du Front révolutionnaire uni (RUF), dont il avait rencontré le chef, Foday Sankoh, dans un camp d’entraînement du président libyen Mouammar Kadhafi. Charles Taylor avait ensuite armé, financé et formé l’armée rebelle en échange des diamants.
Parmi les 144 témoins annoncés par le parquet, 77 seront des victimes directes des crimes des rebelles, huit des experts et 59 d’entre eux seront appelés à déposer sur les liens entre Charles Taylor et les crimes commis en Sierra Leone. Parmi eux se trouvent les « insiders », anciens comparses du chef de guerre, aujourd’hui repentis.
Concernant les témoins, la défense a perdu, du moins provisoirement, une bataille visant à ce que l’Onu lève les mesures imposées contre des proches de Charles Taylor, gel des avoirs et interdiction de voyager. Les avocats de l’ex-président estiment que ces mesures de bannissement pourraient empêcher un grand nombre de témoins à décharge à se présenter à la Cour.
Les premières interventions de la défense laissent entendre, sans surprise néanmoins, que Charles Taylor usera d’arguments politiques pour accuser à son tour ceux qui l’ont soutenu dans ses aventures mortifères. En août dernier, maître Courtenay Griffith, du Barreau de Londres, évoquait notamment une lettre issue des archives personnelles de l’accusé, adressée par l’ancien président américain Jimmy Carter. Le procureur a depuis tenté d’avoir accès à ces archives, mais a été débouté par les juges.
L’ex-chef de guerre, qui avait boycotté l’ouverture de son procès le 4 juin 2007 dispose désormais d’une solide équipe d’avocats et d’enquêteurs, largement rémunérée par le tribunal spécial. L’équipe perçoit 70.000 dollars d’honoraires mensuels, auquel s’ajoute près de 30.000 dollars de frais administratifs divers et de frais d’enquête. Le budget annuel du tribunal spécial s’est élevé en 2007 à près 36 millions de dollars.
Mis en accusation le 3 mars 2003, Charles Taylor était réfugié au Nigeria jusqu’au 29 mars 2006, où il avait été arrêté puis transféré à La Haye en juin à la demande de la président du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf selon laquelle le procès de Charles Taylor à Freetown constituait un risque de déstabilisation régionale.
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