Le Soudan du Sud sombre silencieusement

Le Soudan du Sud sombre silencieusement©Photo ONU
Un camp de déplacés à Bentiu, au Soudan du Sud
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 Le 24 mars, au terme d’un quart d’heure d’échanges, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé de renouveler et élargir le mandat de sa commission sur le Soudan du Sud. La Commission est désormais habilitée à recueillir les preuves des violations des droits de l’homme et à déterminer les responsabilités.

 Le marteau de Joaquín Maza Martelli, président du 34eConseil des droits de l’homme, frappe une fois encore le socle. Le bruit est presque inaudible dans la salle « vingt »du palais genevois des Nations unies. Face aux bruits des armes et aux cris des Sud-soudanais, il sonne sourd.

Deux ans après avoir accédé à son indépendance, le Soudan du Sud sombre dans une guerre civile, en 2013. D’un côté, les partisans de l’actuel président, SalvaKiir, et de l’autre, ceux de l’ancien vice-président, Riek Machar. Le conflit se double d’un caractère ethnique entre Dinkas, ethnie de Kiir, et Nuers, dont Machar est issu. Dans son dernier rapport, la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud affirme que « les civils sont délibérément ciblés et attaqués en fonction de leur ethnie ».

Extinction des droits et du droit

Les droits humains ont disparu. Les belligérants utilisent la violence sexuelle et sexiste comme arme de guerre. « Systématiquement », affirme le même rapport. Plus de deux cents cas de viols ont été documentés par l’ONU, pour l’unique mois de juillet 2016. Les enfants ne sont pas épargnés. Ils seraient 17 000 à avoir été recrutés par des groupes armés depuis 2013, estime l’UNICEF.

Dans le pays, impossible de dénoncer ces exactions en l’absence de liberté d’expression et d’opinion. Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité restent donc impunis. Les tribunaux viables ne sont pas légion dans le pays. Et les premières personnes qui devraient y comparaître occupent des places de haut rang dans le gouvernement de transition et dans l’armée, indique le rapport de la Commission.

Faux espoirs, vraie lenteur

En 2015, un accord de paix est signé. Les parties prenantes s’engagent à créer un tribunal hybride avec l’aide de l’Union africaine. Petite étincelle avant que les hostilités reprennent en juillet dernier. L’Union africaine reste immobile. Toujours pas de tribunal. « L’exil en Afrique du Sud du leader de l’opposition, Riek Machar, rend difficile la poursuite du processus de paix », ajoute le DFAE(Département fédéral suisse des affaires étrangères), « il n’est dès lors pas à exclure qu’un nouvel accord soit nécessaire dans le futur ».

Il faut dire que la justice transitionnelle ne fait pas l’unanimité sur le continent. « Certains responsables africains se sentent visés », explique Jonathan Pednault, de HumanRights Watch. Le gouvernement sud-soudanais avance l’idée d’un « dialogue national ». La proposition n’est pas prise au sérieux. « Le dialogue n’est pas inclusif et les opposants continuent de disparaître », déplore Jonathan Pednault. Le temps passe, les souvenirs s’effacent et les preuves se détériorent.

Une communauté internationale inerte

Ce 24 mars, par consensus, le Conseil des droits de l’homme prolonge d’un an la mission de la Commission. Et il tire un peu plus sur la sonnette d’alarme. Le Conseil lui confie un mandat judiciaire. « Cette décision doit lui permettre d’aller au-delà du rôle de reporting, et de recueillir et conserver les preuves ainsi que de déterminer les responsabilités », se réjouit le DFAE.

Mais la résolution ne résonne que très peu avec la récente décision du Conseil de Sécurité de l’ONU. L’embargo sur les armes au Soudan du Sud n’a pas été adopté. « Cette menace agissait comme une épée de Damoclès sur le gouvernement », explique Jonathan Pednault. L’épée est décrochée.

C’est une grande défaite, mais pas pour tous. « 2017 sera une année de paix et de prospérité pour le Soudan du Sud », affirmait le premier vice-président du pays, Taban Deng Gai en ouverture du Conseil. Pendant ce temps, son gouvernement consacre près de la moitié de son budget aux armes et à la défense, selon un rapport confidentiel de l’ONU, consulté par Reuters. La famine est déclarée en début d’année et les civils tentent de fuir. Jonathan Pednault, au Soudan du Sud pendant le mois de mars, ne peut que constater la poursuite des attaques par le gouvernement. Pour couronner le tout, les signes précurseurs d’un génocide sont apparus.

Vers un nouvel échec onusien

En treize minutes, le Conseil des droits de l’homme a traité le cas du Soudan du Sud. « Nous n’avons pas besoin d’un nouveau rapport. Nous avons besoin que la communauté internationale fasse quelque chose », se désolait une victime à Wau (nord-ouest du pays) à la Commission. « C’est un échec de l’ONU, de la communauté internationale, de l’Union africaine, de la sous-région. Mais surtout, c’est un échec du gouvernement sud-soudanais, qui continue d’attaquer sa propre population » conclut Jonathan Pednault. Le Soudan du Sud, un nouveau Rwanda ?