Oliver Ivanovic, qui était une rare voix modérée parmi les politiques serbes du Kosovo, est inhumé jeudi à Belgrade, deux jours après son assassinat qui reste inexpliqué.
Une foule nombreuse, parmi laquelle la Première ministre serbe Ana Brnabic, se pressait au Nouveau Cimetière de Belgrade où la cérémonie devait commencer à 11H30 GMT.
Des centaines de Serbes du Kosovo, avaient quitté Mitrovica à l'aube pour y assister. "C'est une tragédie, nous avons perdu le meilleur d'entre nous", dit l'un d'eux, Aleksandar Jaksic, 44 ans.
Oliver Ivanovic reposera dans "l'Allée des citoyens remarquables", non loin du Prix Nobel de Littérature Ivo Andric ou encore du Premier ministre assassiné en 2003 Zoran Djindjic.
Ce crime a suscité les craintes de voir se tendre encore les relations dans le nord du Kosovo, où vit une grande partie de la minorité serbe forte de 120.000 habitants.
Il a déjà entraîné un report sine die des discussions entre les deux camps pour une normalisation de leurs relations, lesquelles devaient reprendre le jour du crime.
C'est en particulier le cas à Mitrovica où Oliver Ivanovic a été exécuté mardi matin devant le siège de son petit parti d'obédience sociale-démocrate. Près de vingt ans après la guerre entre forces serbes et rebelles indépendantistes kosovars albanais (13.000 morts), cette ville reste divisée entre un secteur serbe au nord (13.000 habitants) et albanais au sud (72.000).
Avec le soutien de Belgrade, les Serbes du Kosovo ne reconnaissent pas l'indépendance de cette ancienne province de la Serbie peuplée en immense majorité de kosovars albanais. Une ligne à laquelle ne dérogeait pas Oliver Ivanovic, 64 ans. Il était confronté à des accusations de crimes de guerre, qu'il réfutait, contre des Kosovars albanais.
- 'Paranoïaque' -
Mais cet albanophone apparaissait comme un modéré, partisan du dialogue. Il était aussi une voix contre la corruption et la criminalité qui gangrènent Kosovo, notamment le nord.
Enfin, il était le seul responsable politique de premier plan à s'opposer publiquement à Belgrade. Force politique hégémonique parmi les serbes du Kosovo, la Liste serbe (Srpska lista) est une émanation du parti progressiste (SNS) du président de la Serbie Aleksandar Vucic. Ses responsables ne mâchaient pas leurs mots à son égard.
Lors de la campagne municipale d'octobre, le maire de Mitrovica-Nord, Goran Rakic, dénonçait la "conviction paranoïaque" de son adversaire "qu'il est victime de menaces". Il l'accusait par exemple de s'être "tu pendant que les villages et les monastères serbes brulaient dans tout le Kosovo en 2004" lors d'émeutes interethniques.
Après l'assassinat, à l'instar de tous les responsables serbes dont Aleksandar Vucic, il a changé de rhétorique, estimant que "les tirs contre Ivanovic (étaient) des tirs contre tous les Serbes du Kosovo".
Aucun élément concret ne permet de privilégier la thèse de tueurs venus d'un camp ou de l'autre, après deux jours d'une enquête codirigée par des procureurs des deux communautés. "Il y a eu des auditions de témoins potentiels", des investigations sur des mails ou sur les réseaux sociaux, a déclaré à l'AFP un responsable policier Zeljko Bojic.
- 'Jamais découverts' -
Pour le journaliste d'investigation kosovar albanais Vehbi Kajtazi, "dévoiler la vérité sur les commanditaires et les exécutants de l'assassinat d'Ivanovic est d'une importance vitale pour le Kosovo", qui doit célébrer le 17 février le dixième anniversaire de sa déclaration d'indépendance.
"Les responsables ne seront jamais découverts, car dans nos régions les auteurs des assassinats politiques ne sont jamais découverts...", redoute l'analyste politique serbe Aleksandar Popov.
A ses yeux, la mort d'Ivanovic est susceptible de servir "indirectement" les deux camps qui ont désormais "un alibi pour ajourner le dialogue", sujet sensible pour les deux opinions publiques.
Aleksandar Vucic et son homologue kosovar Hashim Thaçi, se sont téléphonés mercredi et ont semblé vouloir apaiser la situation. La stabilité du Kosovo "revêt une importance cruciale", selon Aleksandar Vucic qui se rendra sur place ce week-end avec l'accord de Pristina. Hashim Thaçi a lui entrouvert la porte à la demande serbe de participer à l'enquête, y voyant une "aide" potentielle.