Tandis que la grosse majorité des appels ont été rejetés, cinq ont abouti à des réduction de peines, certaines considérables, et trois au contraire à un accroissement.
Les juges de première instance, en vertu des articles 23 du Statut du TPIR doivent tenir compte de facteurs tels que la gravité de l’infraction et la situation personnelle du condamné. Mais également, selon l’article 101 du Règlement de procédure et de preuves du TPIR, de l’existence de circonstances aggravantes et atténuantes ainsi que l’étendue et le sérieux de la coopération du condamné avec le Procureur aux différents stades de la procédure.
« Toutefois, la Chambre [de première instance] estime que son pouvoir souverain d’appréciation des faits et des circonstances (…) lui permet de ne pas se limiter aux seuls facteurs énoncés par le Statut et le Règlement » (Ruggiu, 1ère instance, 1er juin 2000).
Aucun article ne règlemente la détermination de la peine en appel puisqu’il appartient normalement à la Chambre de première instance de le faire.
La Chambre d’appel, en vertu du Statut du TPIR, a le pouvoir de réformer les jugements délivrés par les juges de première instance. Elle intervient non seulement pour réparer les erreurs concernant la déclaration de culpabilité, mais également celles commises dans la détermination de la peine.
En effet, « La peine infligée doit refléter la totalité du comportement criminel » (Akayesu, Chambre d’appel, 1er juin 2001).
Cependant, dans l’arrêt Vasiljevic du 25 février 2004, la Chambre d’appel rappelle clairement que, comme pour l’appel interjeté contre la déclaration de culpabilité, la procédure est corrective, il ne s’agit pas « d’un nouvel examen de la peine » même si dans l’arrêt Blaskic du 29 juillet 2004, elle a purement et simplement décidé de faire l’inverse.
La Chambre affirme, toujours dans l’arrêt Vasiljevic qu’ « en règle générale, [elle] ne substituera pas sa propre sentence à celle prononcée en première instance sauf si », et elle cite alors entre autres l’arrêt Serushago (6 avril 2000), « elle est convaincue que la Chambre de première instance a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, ou si elle s’est écartée du droit applicable ».
Elle s’inspire enfin de l’arrêt Akayesu du 1er juin 2001 pour déterminer que le critère alors applicable est celui qui consiste « à déterminer si la Chambre d’appel peut discerner une erreur d’appréciation de la part de la Chambre de première instance ».
Dans l’affaire Blaskic, la Chambre d’appel précisait toutefois que dans le cas où elle annulait une ou plusieurs déclarations de culpabilité, elle pouvait réviser la peine même si la Chambre de première instance n’avait pas commis d’erreur d’appréciation en la fixant.
Au TPIR, sur les huit affaires où les peines ont été modifiées par la chambre d'appel trois ont abouti à des augmentations : Laurent Semanza doit purger trente cinq ans de prison au lieu de vingt-cinq, et Sylvestre Gacumbitsi et Athanase Seromba ont été condamnés par la Chambre d’appel à la prison à perpétuité alors qu’ils devaient respectivement subir 30 ans et 15 ans de prison.
Tant dans les arrêts Gacumbitsi (7 juillet 2006) que Seromba (12 mars 2008), la Chambre d’appel a décidé de requalifier elle-même le mode de participation « d’aide et de complicité » en « commission » car elle a considéré que le premier ne reflétait pas suffisamment la gravité des crimes commis. Il était alors logique, dans la continuité de son raisonnement, qu’elle révise et augmente pareillement la peine infligée.
En effet, elle déclarait alors que c’était sa « prérogative de substituer une nouvelle peine quand celle décidée par la Chambre de première instance ne peut tout simplement pas être conciliée avec les principes qui gouvernent à la détermination de la peine au Tribunal (prerogative to substitute a new sentence when the one given by the Trial Chamber simply cannot be reconciled with the principles governing sentencing at the Tribunal) » (arrêt Gacumbitsi).
Mais à plusieurs reprises, le Juge Fausto Pocar a exprimé son désaccord sur cette pratique notamment dans les affaires Rutaganda et Semanza en 2004 et 2005. Selon lui, la Chambre d’appel n’a pas compétence pour corriger les erreurs faites en première instance « en prononçant ultérieurement de nouvelles déclarations de culpabilité plus sévères en appel », ou en augmentant la peine.
Il considère en effet que cela va à l’encontre de l’article 14 (5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 qui consacre le droit d’appel de l’accusé qui disparaît justement dans ce cas.
Il n’est arrivé qu’une seule fois dans l’histoire des Tribunaux ad hoc, dans l’affaire Kupreskic devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), que la Chambre d’appel renvoi à la discrétion de la Chambre de première instance la détermination de la peine après qu’elle ait décidé de réformer les chefs d’accusation et donc les déclarations de culpabilité.
La jurisprudence cumulée des deux Tribunaux ad hoc définit les finalités de la peine comme étant : la rétribution, la dissuasion, la réhabilitation, la protection de la société, la fin de l’impunité, favoriser la réconciliation, et le retour de la paix. Elles ne sont certainement rencontrées qu’à condition que la peine soit cohérente avec la déclaration de culpabilité.
Reste que des justement resteront surprenants ainsi dans l’arrêt des Médias de novembre 2007, la Chambre d’appel, alors qu’elle a supprimé la majorité des chefs d’accusation soulevant un grand nombre d’erreurs qui auraient pu justifier selon le Juge Theodore Meron un renvoi en première instance, n’a quasiment pas réduit les peines distribuées. Ferdinand Nahimana et Hassan Ngeze condamnés en première instance à perpétuité ont vu leurs peines réduites à 30 et 35 ans de prison. Jean Bosco Barayagwiza n’a gagné que deux ans sur les 35 ans décidés initialement.
AV/PB/GF