Un collectif de défense des chrétiens d'Orient a été confirmé comme partie civile dans l'enquête contre le cimentier Lafarge, soupçonné d'avoir financé des groupes jihadistes en Syrie, après sa plainte pour "complicité de crimes contre l'humanité", a-t-il annoncé mercredi.
Après une enquête préliminaire, cette instruction avait été ouverte en juin 2017, un an après les révélations du journal Le Monde suivies notamment des plaintes de deux ONG: l'association anticorruption Sherpa et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme (ECCHR).
Toutes deux avaient déposé une plainte pour "financement du terrorisme", ainsi que pour "complicité de crimes de guerre" et "complicité de crimes contre l'humanité", mais le parquet de Paris, dans son réquisitoire introductif, avait écarté ces deux derniers faits.
Selon la Coordination des chrétiens d'Orient en danger (Chredo), la juge d'instruction Charlotte Bilger, en jugeant recevable cette constitution de partie civile attaquée par la défense, a pour sa part affirmé que ces faits avaient "vocation à être instruits" dans ce dossier.
"Il s'agit d'une étape importante dans le combat que mène avec obstination la Chredo pour faire reconnaître que les exactions commises contre les minorités, dont les chrétiens, par l'organisation Etat islamique et d'autres groupes terroristes islamistes ne relèvent pas de simples actes de terrorisme mais de crimes contre l'humanité", a relevé dans un communiqué son président, Patrick Karam.
Par ailleurs vice-président LR (droite) de la région Ile-de-France, il a fondé cette association qui s'est donné un objectif politique (lobbying parlementaire, actions judiciaires...) et non humanitaire.
Lafarge, qui a fusionné avec le suisse Holcim en 2015, est au coeur d'une enquête sur les liens qu'il a pu entretenir, notamment avec l'EI, pour continuer à faire fonctionner en 2013 et 2014, malgré le conflit, sa cimenterie de Jalabiya, au nord de la Syrie.
Six cadres et dirigeants du cimentier et de sa branche syrienne ont déjà été mis en examen - dont l'ex-PDG Bruno Lafont et Christian Herrault, ancien directeur général adjoint chargé notamment de la Syrie -, pour "financement d'une entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui".
De juillet 2012 à septembre 2014, la filiale syrienne du groupe a versé environ 5,6 millions de dollars à diverses factions armées via un intermédiaire, dont plus de 500.000 dollars aux jihadistes de l'EI, d'après un rapport du cabinet américain Baker McKenzie missionné par Lafarge.
Les enquêteurs tentent de déterminer si la direction à Paris et le Quai d'Orsay étaient au courant de ces pratiques.
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