09.05.08 - SUISSE/CPI - LA SUISSE ADAPTE SON DROIT PENAL A LA COUR PENALE INTERNATIONALE

La Haye, 9 mai 2008 (FH) - La Confédération suisse a préparé un projet de loi intégrant dans son droit pénal les crimes prévus par le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) qui lui permettra de poursuivre le crime de génocide, de crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Ce projet n'a pas encore été soumis au Parlement.

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Déja en juillet 1998 elle avait signé le Traité de Rome. Aprés des modifications législatives immédiatement nécessaires, la ratification avait été effective en octobre 2001. Ces nouvelles mesures constituent une seconde étape d’intégration des dispositions du Statut. Tout en voulant « exclure tout risque de céder des compétences à la CPI » La Suisse veut «refléter fidèlement (…) le droit international en vigueur», apprend on dans un communiqué.

La Confédération y explique qu’elle veut ainsi écarter « le risque de servir de refuge à ce genre de criminels». Le nouveau projet de loi vise à intégrer les crimes contre l’Humanité dans le droit suisse, à donner une définition plus précise des crimes de guerre qui n’étaient jusqu’à présent sanctionnés que par « référence générale au droit international humanitaire », et à réorganiser la compétence des juridictions.

Trial Watch, une ONG suisse basée à Lausanne, a été consultée dans la phase d’élaboration du projet, ses critiques ont parfois été prises en compte. Ainsi Trial a fermement pris position contre la survie de la condition dite du «lien étroit» introduit en 2003 dans l’article régissant la poursuite des crimes de guerre commis à l’étranger. Un lien particulièrement fort était exigé entre l’accusé et la Suisse rendant les poursuites presque impossibles. Il pouvait être caractérisé, entre autres, par le domicile ou le centre de vie de l’accusé en Suisse ou l’entretien de contacts réguliers avec sa famille vivant en Suisse. La Confédération voulait se préserver d’un afflux de procédures comme cela s’est produit en Belgique. Pour Trial Watch il s'agissait d'une limitation « drastique » de la compétence universelle.

Dorénavant plutot qu'un «lien étroit», il suffira que l’auteur soupçonné se trouve en Suisse et ne puisse être extradé ni remis à un tribunal pénal international. Elle se dote ainsi d’une « compétence universelle limitée » et s’aligne sur les autres pays du continent européen.

Trial a également souligné des infractions «oubliées» telles que les peines collectives, le fait de répandre la terreur parmi la population ou encore la pratique de l’apartheid. Cette dernière a été rajoutée dans la catégorie des crimes contre l’Humanité.

La responsabilité du supérieur hiérarchique, prévue dans la nouvelle loi, est moins étendue que dans le Statut de la CPI. Le supérieur ne sera responsable que s’il avait connaissance de la commission de ces actes par les subordonnés tandis que le Statut vise aussi le cas où il « aurait du savoir ».

L’un des derniers principaux points soulevés par Trial concerne la poursuite de la provocation publique au génocide qui n’était possible que dans les cas où tout ou partie du génocide devait être commis en Suisse. Non seulement le génocide devait avoir effectivement eu lieu, ce que ne requiert pas le droit international, et est même contraire à la jurisprudence des deux Tribunaux pénaux internationaux, mais en plus cette disposition ne couvrait pas l’incitation à commettre un génocide à l’étranger.

Le Conseil fédéral semble s’être penché de nouveau sur la question puisqu’il affirme dans son communiqué que « la disposition n’exclut pas l’instigation commise à l’étranger se rapportant à un génocide commis à l’étranger ». Une clause de renvoi au droit international conventionnel et coutumier a été insérée pour « pallier à certaines lacunes et (…) offrir toute garantie de conformité en cas de développement ultérieur du droit international ».

Le principe de la non retroactivité va cependant constituer un obstacle majeur aux poursuites. Alors que la Suisse a déjà mené à bien des procédures contre des criminels originaires de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda, elle exclu dorénavant cette possibilité avec ce critère.

La France est également en train de travailler sur un projet de loi adaptant le droit pénal français au Statut de la CPI. Mais selon la coalition française pour la CPI (CFCPI) deux points sont encore défaillants : il ne prévoit pas l’imprescriptibilité des crimes sanctionnés et ne comporte aucune disposition relative à la compétence territoriale du juge français.

AV/PB/GF