17.06.08 - TPIR/KALIMANZIRA - EN 1994, "TRAVAILLER" SIGNIFIAIT TUER LES TUTSIS, SELON UN TEMOIN

Arusha, 17 juin 2008 (FH) - Un Rwandais cité à la barre mardi a affirmé devant une chambre du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) que « travailler » en 1994 signifiait au Rwanda « tuer les Tutsis ». Désigné par le nom de code AZM en vue de préserver son anonymat, le témoin déposait à charge dans le procès de l’ancien directeur de cabinet au ministère de l’Intérieur Callixte Kalimanzira.

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AZM était interrogé par le procureur, Mme Catherine Graham, au sujet d’un discours prononcé le 19 avril 1994 par Théodore Sindukubwabo et dans lequel ce président intérimaire appelle à plusieurs reprises ses concitoyens de Butare (sud) à « gukora » (travailler en langue rwandaise).

Le lendemain de ce discours prononcé dans un stade de Butare, cette région jusque-là relativement calme par rapport au reste du pays, a été embrasée par les massacres.

« Le terme gukora a reçu une autre signification. Les gens allaient tuer les Tutsis en disant qu’ils se rendaient au travail », a raconté le témoin. « Travailler est alors devenu synonyme de tuer les Tutsis », a-t-il déploré.

Ce discours incriminé fut prononcé à l’occasion de l‘investiture du nouveau préfet de Butare, Sylvain Nsabimana, en présence Callixte Kalimanzira qui était le maître des cérémonies.

« Kalimanzira a-t-il pris la parole pour dénoncer ce message du président ? », a demandé Christine Graham du bureau du procureur. « Non », a répondu le témoin.

Le procureur soutient que, par son silence, Kalimanzira, a adhéré au contenu de ce discours.

Nsabimana est également en procès au TPIR tandis que Sindikubwabo a probablement trouvé la mort dans son exil dans l’ex-Zaïre (actuelle République démocratique du Congo-RDC).

AZM, douzième témoin à charge dans l’affaire Kalimanzira, a par ailleurs affirmé que l’accusé a participé à la plupart des réunions du conseil préfectoral de sécurité de Butare alors qu’il n’en était pas membre.

« J’ai cru qu’il dirigeait la préfecture conjointement avec le préfet ou qu’il était un représentant du gouvernement parce que le cas de Butare était spécial », a témoigné AZM qui, lui, était membre de droit de ce conseil.

Le témoin devait ensuite être contre-interrogé par l’un des avocats de la défense.

Inculpé de génocide, complicité dans le génocide, incitation directe et publique à commettre le génocide, Kalimanzira, un agronome de formation, plaide non coupable.

Son procès s’est ouvert le 5 mai dernier.

ER/PB/GF