Au Yémen, un village endeuillé par 15 morts d'une même famille

Il a fallu 12 heures aux ambulanciers et aux habitants du village d'Al-Fakhir, dans le sud du Yémen, pour retrouver tous les corps des 15 membres d'une même famille, dans les décombres de leur maison dévastée mardi par une double frappe aérienne.

"C'est comme si tous les habitants du village avaient été tués. Voilà le sentiment général", lance par téléphone à l'AFP Salem al-Halmi, un membre de la famille vivant dans un autre village.

Mardi matin, la maison d'Abbas al-Halmi, 38 ans, est frappé par un raid aérien qu'un responsable local impute à la coalition militaire sous commandement saoudien qui soutient les forces gouvernementales contre les rebelles Houthis appuyés par l'Iran.

Ses voisins, qui sont aussi ses proches, accourent. Une seconde frappe vise la maison.

La double attaque tue Abbas al-Halmi, sa femme, ses enfants, son frère, ses belles soeurs, ses neveux, nièces et autres proches.

"Personne n'aurait pu imaginer qu'ils seraient tués de cette façon. C'était une famille paisible", ajoute Salem al-Halmi.

Les Nations unies ont confirmé dans un communiqué la mort de ces 15 civils, ajoutant qu'une sixième personne avait péri. Contacté par l'AFP, le porte-parole de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite n'a ni confirmé, ni démenti l'information.

- "Famille heureuse" -

Théâtre de violents combats, Al-Fakhir est un des villages de la région de Qatabah, dans la province de Daleh.

Véritable ligne de front, les rebelles Houthis et les forces gouvernementales s'y livrent une lutte acharnée pour le contrôle des villages.

En mai, les Houthis se sont emparé d'Al-Fakhir à l'issue de violents affrontements, selon un responsable local.

La région "assiste à des affrontements quotidiens et les combats ne s'y arrêtent presque jamais", observe Mahmoud al-Chaibi, militant des droits humains à Qatabah.

A l'une des extrémités d'Al-Fakhir, se trouve la maison d'Abbas al-Halmi, entourée de montagnes et de hauts plateaux. Il n'en reste qu'un tas de gravats et de bois, qui laisse entrevoir une chemise mauve et un morceau de ferraille bleu.

Le père de famille travaillait avec ses deux frères et d'autres proches dans des champs voisins où ils cultivaient du café et du qat, plante euphorisante largement consommée au Yémen.

Chaque matin, ils quittaient la maison avec leurs enfants pour se rendre aux champs et à l'école, mais le raid de mardi matin a précédé leur sortie.

"Ils n'ont rien à voir avec le conflit. Ils n'étaient avec personne. Ils formaient une famille heureuse, ils évitaient toujours les problèmes et voulaient être en sécurité", raconte Salem al-Halmi.

"Nous voulons découvrir la vérité", insiste-t-il, décrivant "la colère et le choc" des proches et des habitants du village.

- "Déchirant et insensé" -

Depuis 2014, le Yémen est ravagé par les combats entre les Houthis, rebelles issus de l'importante minorité zaïdite concentrée dans le nord du pays, et les forces loyales au gouvernement reconnu par la communauté internationale.

Avec l'intervention en 2015 de l'Arabie saoudite et ses alliés pour appuyer le gouvernement face aux Houthis qui se sont emparés notamment de la capitale Sanaa, le conflit s'est intensifié, faisant des dizaines de milliers de morts.

L'ONU accuse les deux camps d'avoir commis des crimes de guerre et provoqué la pire crise humanitaire au monde, avec des millions de personnes menacés par la famine, la propagation de maladies comme le choléra et l'effondrement de l'économie, de l'éducation, de la santé.

Quelques heures avant les frappes qui ont décimé la famille al-Halmi, sept civils, dont des femmes et des enfants d'une même famille, ont été tués dans un autre raid ayant visé une mosquée à Amran, dans le nord-ouest du Yémen, selon l'ONU.

Face à cette situation "déchirante et insensée", la coordinatrice humanitaire de l'ONU pour le Yémen, Lise Grande, a appelé à "mettre fin à cette guerre terrible".

"C'est une guerre par procuration entre l'Iran et l'Arabie Saoudite. Le peuple yéménite est pauvre. Tant qu'il y aura des financements saoudiens et iraniens, la guerre continuera", s'inquiète M. Chaibi.

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