La cheffe de facto du gouvernement birman, Aung San Suu Kyi, a assisté mardi devant la Cour internationale de justice aux appels de la Gambie pour que la Birmanie "cesse le génocide" contre la minorité musulmane rohingya.
Voici des points clés sur la manière dont l'organe judiciaire principal des Nations unies, créé en 1946 pour régler les différends entre Etats membres, traite la question.
. Quelle est la définition du génocide?
Le terme "génocide" a été utilisé pour la première fois dans un cadre juridique lors du procès de Nuremberg, intenté après la Seconde Guerre mondiale par les puissances alliées aux responsables nazis pour l'extermination systématique de près de six millions de Juifs.
Le terme est devenu partie intégrante du droit international en 1948 en vertu de la convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide -- la même convention actuellement invoquée par la Gambie contre la Birmanie. Elle décrit le génocide comme un "crime commis dans l'intention de détruire, ou tout, ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".
Le génocide "est un crime international très spécifique" et difficile à prouver, note Cecily Rose, professeure assistante en droit international à l'Université de Leiden. Il faut pouvoir démontrer la "motivation mentale du crime", c'est-à-dire prouver qu'une personne ou un État a intentionnellement commis un génocide, explique-t-elle.
. Quelles sont les autres accusations de génocide devant la CIJ?
Au cours de ses 73 années d'existence, la CIJ a traité sur le fond seulement deux affaires fondées sur la Convention sur le génocide.
Toutes deux étaient liées aux conflits dans les Balkans dans les années 1990 après l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. A la suite d'une décision antérieure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), la CIJ a déclaré qu'un génocide avait été commis à Srebrenica en juillet 1995, où près de 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués par les troupes serbes de Bosnie.
La République démocratique du Congo a intenté une action contre le Rwanda en 2002 sur la base d'un large éventail de traités multilatéraux, y compris la Convention sur le génocide, mais la CIJ a estimé qu'elle n'avait pas compétence dans cette affaire.
. La CIJ est-elle la bonne Cour?
La CIJ règle les litiges entre pays, elle ne juge pas d'individus.
Or, le crime de génocide est "rarement" l'objet d'un différend entre des États, comme c'est le cas dans l'action introduite par la Gambie contre la Birmanie, observe Dimitry van den Meerssche, de l'Institut Asser basé à La Haye.
"Il existe une série d'autres instances judiciaires où ces plaintes peuvent être déposées" -- telles que la Cour pénale internationale (CPI) -- "spécifiquement conçues pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ou le génocide", déclare-t-il.
La CPI, une Cour également basée à La Haye créée en 2002 pour juger des pires atrocités commises dans le monde, juge les individus accusés de tels crimes. Elle a ouvert une enquête sur les exactions commises contre les Rohingyas.
. Que va-t-il se passer maintenant?
La Gambie, mandatée par les 57 États membres de l'Organisation de la coopération islamique, a demandé à la CIJ des mesures d'urgence pour protéger les Rohingyas, une "première étape", note Mike Becker, professeur adjoint de droit international au Trinity College de Dublin.
Les audiences de cette semaine devant la CIJ "fourniront un aperçu de l'affaire dans son ensemble, mais une audience complète sur le fond prendra encore des années", affirme-t-il.