16.01.2004 - TPIR/MILITAIRES I - LE GENERAL DALLAIRE AVAIT DEJA TEMOIGNE DEVANT LE TPIR

Arusha, le 16 janvier 2004 (FH)- Le 25 février 1998, la défense de l'ancien maire Jean-Paul Akayesu crée la surprise en appelant à la barre Roméo Dallaire. Entre 1993 et 1994, le général canadien commandait la Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR).

3 min 11Temps de lecture approximatif

Une force composée de 2 300 hommes, mandatée pour faciliter l'application des accords de paix signés à Arusha (Tanzanie) quelques mois plus tôt entre le gouvernement rwandais D'alors et un mouvement rebelle, le Front patriotique rwandais (FPR).

Six ans plus tard, Roméo Dallaire revient au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), cette fois-ci à la rescousse de l'accusation, dans le procès de quatre gradés des ex-Forces armées rwandaises, appelé "Militaires I". Sa déposition commence le 19 janvier.

En 1998, ce "témoin privilégié", des événements du Rwanda, n'avait pas eu la possibilité de dire tout ce qui lui tenait à coeur, limité en cela par des mesures édictées par le secrétaire général de l'ONU. En sommant le général Dallaire D'évoquer uniquement les "questions pertinentes ayant un rapport direct avec les crimes retenus contre l'accusé" Akayesu, Kofi Annan voulait s'assurer de la non divulgation de documents confidentiels des Nations Unies "qui est soumise à l'autorisation préalable du secrétaire général."

Un juriste envoyé spécialement par le secrétariat général a expliqué à la chambre qu'il s'agissait D'éviter que "que de hauts responsables de l'organisation, notamment les commandants des forces de maintien de la paix, ne soient pas cités à comparaître sans discernement devant les tribunaux internationaux".

Mauvais augure
Le général Dallaire a officiellement commencé sa mission le 22 octobre 1993, le lendemain de l'assassinat du président Melchior Ndadaye du Burundi voisin. Un assassinat qui aura un impact négatif sur le processus de paix au Rwanda et la géopolitique régionale.

Interrogé à ce sujet en 1998, le général Dallaire a répondu que les acteurs politiques étaient préoccupés. Selon lui, tant du coté gouvernemental rwandais que de la rébellion, "l'on croyait que l'état D'application des principes de démocratie était en péril" et qu'il fallait être vigilant pour sauver les accords laborieusement négociés.

Les premières difficultés commencent avec l'établissement D'une "zone de consignation D'armes" autour de la capitale, Kigali : plusieurs militaires des ex-FAR n'ont pas voulu respecter les consignes, selon Dallaire.

Parmi les unités les plus réfractaires, le témoin a cité le bataillon para-commando que dirigeait un autre accusé dans le procès "Militaires I", le major Aloys Ntabakuze, la garde présidentielle et le bataillon de reconnaissance. Ils comptaient parmi les unités D'élite de l'armée rwandaise.

l'armée rwandaise comptait environ 35.000 hommes en 1994, le FPR entre 12.000 et 13.000, avait estimé Dallaire. A terme, les deux forces devaient fusionner sous la supervision de la MINUAR.

D'après Dallaire, à la veille du déclenchement du génocide, la MINUAR était une force aux ressources limitées, composée D'éléments hétéroclites, mal équipés et mal entraînés. "Nous étions prêts à mener des opérations, mais nous n'avons pas pu mener ces opérations pleinement. Nous n'avions pas tout l'appui nécessaire, au cas où la situation se détériorerait, comme elle l'a été du reste. Nous avions des limites au niveau financier".

Les quelques interventions durant le génocide sont le résultat D'initiatives individuelles. "Il y a eu beaucoup D'interventions individuelles par des membres de la MINUAR pendant des mois. Je n'ai pas ordonné D'opérations offensives D'envergure contre des structures: milices civiles, paramilitaires dans le Rwanda, parce que je n'étais pas, fondamentalement, ni équipé, ni ravitaillé, ni fondamentalement mandaté" a regretté Roméo Dallaire.

"Il y a des pays sur le terrain qui avaient ordonné à leurs soldats de ne pas sortir de leur garnison, de rester là. Il y a des pays qui ont même ordonné à leurs troupes de ne pas laisser des Rwandais rentrer dans leurs véhicules. Il y a des pays qui ne voulaient pas mettre à risque D'autres soldats, comme on avait perdu les dix paras belges et qu'il y avait eu D'autres soldats blessés.", a-t-il poursuivi.

"Une force déterminée, structurée, mandatée, équipée, avec l'objectif spécifique D'intervenir contre toute force qui tentait D'utiliser des armes blanches ou des armes pour tuer les civils innocents aurait pu arrêter les massacres", a-t-il indiqué.

Un autre front sur lequel le général canadien a également échoué, c'est la neutralisation de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM). "RTLM incitait les gens à tuer, RTLM expliquait aux gens comment tuer, RTLM aidait les gens à choisir qui tuer", a témoigné Dallaire.

Le général avait proposé qu'il soit mis fins aux émissions de la RTLM. La communauté internationale a cependant refusé de s'engager, arguant la souveraineté du pays.

En 1998, le témoignage de Dallaire avait drainé des foules.

AT/GF/FH (Ml''0116C)