28.11.2003 - TPIR/MILITAIRES I - KAVARUGANDA AURAIT SUBI DES MENACES DE MORT AVANT 1994

Arusha, le 28 novembre 2003 (FH) – L’ancien président de la Cour constitutionnelle du Rwanda, Joseph Kavaruganda assassiné le 7 avril 1994 avait reçu des menaces de mort depuis le début des années 90, a affirmé son épouse, vendredi, devant le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). L’épouse du défunt dépose depuis jeudi dans le procès de quatre hauts officiers des ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR) poursuivis notamment pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant le TPIR.

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Mme Kavaruganda a donné un récapitulatif des intimidations dont son mari aurait fait l’objet depuis 1991, à la suite de l’attaque du FPR (Front Patriotique Rwandais, l’ex-mouvement rebelle à dominante Tutsie actuellement au pouvoir à Kigali) contre le régime en place à cette époque.

« Des obus anti-char avaient été lancés contre la maison de Kanombe (Kigali) et elle avait été détruite », a relaté Me Kavaruganda, situant l’attaque au 11 septembre 1991. La famille était absente à ce moment-là, a-t-elle précisé.

A cette occasion, des veilleurs auraient aperçu des militaires, dont les véhicules se seraient dirigés vers la propriété du président Habyarimana. « Nous vivions à 600 m de sa résidence », a clarifié le témoin.

Le 19 mars, un militaire handicapé se serait rendu au bureau de Kavaruganda et se serait adressé à ses gardes du corps de la MINUAR (Mission des Nations Unies pour le Rwanda) en disant : « Ce n’est pas parce que vous protégez ce Monsieur que vous allez nous empêcher de le tuer. Ses jours sont comptés ».

Trois jours plus tard, un membre de la milice Interahamwe prénommé Enoch aurait chargé les gardes du magistrat de lui dire que « sa tombe est déjà prête ».

Mme Kavaruganda a indiqué que son mari faisait état de ces menaces au président, mais que ses efforts sont restés vains.

Kavaruganda, proche du président ?
La défense de l’ancien directeur de cabinet au ministère de la défense, le colonel Théoneste Bagosora, un des accusés dans ce procès, a fait valoir que le président était en bon termes avec Kavaruganda, puisqu’il l’avait nommé comme premier magistrat du pays.

L’avocat franco-martiniquais Me Raphaël Constant a ensuite fait valoir que le magistrat faisait partie du comité central du parti présidentiel, le MRND, à l’époque du monopartisme, soulignant que ce dernier était plus proche du président que ne l’a laissé entendre son épouse.

A ce sujet, Mme Kavaruganda a indiqué que son mari était un défenseur acharné de l’application des accords d’Arusha, dont la signature en août 1993 devait aboutir à la formation d’un gouvernement à base élargie incluant des membres de l’opposition armée et non armée.

Cette prise de position lui aurait valu des inimitiés de la part de la classe dirigeante, y compris celle du président Habyarimana. Après avoir prêté serment en janvier 1994, ce dernier aurait refusé que les autres membres des institutions étatiques fassent de même, malgré l’insistance du président de la Cour constitutionnelle.

Le parquet allègue que Bagosora était farouchement opposé à l’application de ces accords. Il aurait claqué la porte des négociations en déclarant qu’il rentrait au Rwanda « pour préparer l’apocalypse ».

Ces accords sont devenus caducs avec la reprise des hostilités, consécutive à l’assassinat du président Habyarimana le 6 avril 1994. C’est cet assassinat qui a déclenché le génocide anti-Tutsi et les massacres d’ opposants.

Le président de la Cour constitutionnelle devait présider à l’investiture du président intérimaire pour combler le vide institutionnel laissé par la mort de Habyarimana. Le gouvernement intérimaire a prêté serment le 9 avril, deux jours après l’assassinat de Kavaruganda.

Considéré par le parquet comme le « cerveau du génocide », Bagosora est co-accusé avec l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe (Kigali), le major Aloys Ntabakuze.

Tous plaident non coupable.

Commencé en avril 2002, ce procès est considéré comme l’une des plus importantes affaires dont le TPIR est saisi à ce jour. Il se déroule devant la première chambre de première instance, présidée par le juge norvégien Erik Mose, assisté des juges russe Serguei Egorov et fidjien Jai Ram Reddy.

Le contre-interrogatoire de Mme Kavaruganda se poursuivra lundi prochain.

GA/CE/FH (ML’1128A)