Nyarubuye est le plus grand site de massacres dans cette commune. Certaines sources affirment qu'environ vingt mille Tutsis ont été tués à cet endroit.
Gacumbitsi, qui était au deuxième jour de sa déposition pour sa propre défense, a déclaré qu'il se trouvait dans une cachette quand la paroisse de Nyarubuye a été attaquée mi-avril 1994. l'accusé, devenu témoin, a affirmé que lui-même craignait D'être tué par des Hutus extrémistes pour son soutien supposé aux rebelles tutsis du Front patriotique rwandais (FPR). Il lui était en outre reproché D'héberger, dans ses maisons, des personnes persécutées, a-t-il dit.
Gacumbitsi a indiqué que les massacres de Nyarubuye lui avaient été rapportés par un des administrés. Selon ce qu'il a appris, les Tutsis réfugiés à Nyarubuye ont été tués par des "malfaiteurs" civils et des gendarmes venus de la commune voisine de Rukira. Gacumbitsi a, dans la foulée, envoyé le chef de la police communale sur les lieux pour enquêter. Le policier a établi un bilan de huit cents à mille morts, selon l'accusé.
Le substitut ougandais du procureur, Richard Karegyesa, a tenté de discréditer Gacumbitsi en le confrontant à ses déclarations antérieures.
Selon Richard Karegyesa, l'accusé aurait rencontré, en mai 1994, le journaliste anglais Patrick Fergal Keane à qui il aurait déclaré que les massacres à Rusumo ont commencé le 28 avril 1994 avec l'arrivée des soldats du FPR.
"Ils tuaient sans discrimination. D'abord, ils sont allés à Nasho, ensuite à Mpanga, et ils ont commencé à tuer. Avant leur arrivée, nous avions affaire à des bandits qui tuaient des gens", aurait-il indiqué à l'époque.
Patrick Feargal Keane l'aurait également interrogé au sujet des miliciens Interahamwe considérés par le parquet comme le fer de lance du génocide. l'accusé aurait répondu qu'il s'agissait D'une "jeunesse organisée pour D'autres choses et non pour tuer".
"Je parlais de l'encadrement de la jeunesse. Ce n'était pas dans le cadre de la guerre que je m'exprimais", a rétorqué Gacumbitsi.
Richard Karegyesa s'est également attardé sur l'agenda de l'année 1994 saisi au domicile de l'accusé en juin 2001. Le représentant du parquet a relevé que cet agenda ne mentionnait pas des événements aussi importants que les massacres de Nyarubuye.
Est-ce que la mort de mille personnes dans votre commune n'est pas un événement important?, a demandé Richard Karegyesa.
"Ca m'a beaucoup attristé. J'étais choqué. Les gens étaient venus y chercher refuge, sachant que la commune de Rusumo était paisible. Les gens les y ont poursuivi, c'était tragique", a dit l'accusé, expliquant qu'il n'avait pas tout noté. "Un événement qui ne se trouve dans mon agenda ne signifie pas qu'il n'a pas eu lieu", a-t-il souligné.
Né en 1943, Sylvestre Gacumbitsi a été nommé maire de Rusumo le 2 août 1983, après vingt ans dans l'enseignement primaire. Il a exercé cette fonction jusqu'à son exil en Tanzanie en mai 1994.
Le procès Gacumbitsi a commencé le 28 juillet 2003. Il se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée par la juge sénégalaise Andrésia Vaz et comprenant, en outre, les juges fidjien Jai Ram Reddy et russe Serguei Aleckseievich Egorov. La défense devait clôturer sa preuve lundi soir, mais le procureur contre-interrogeait encore Gacumbitsi. Les débats se poursuivent mardi.
AT/FH (GA'1124A)